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7 novembre 2012 3 07 /11 /novembre /2012 21:15

Mensonge de Dieu          La violence est partout, de toutes les époques, de tous les pays, bref elle est universelle! Et elle est surtout algérienne tout au long des 700 pages de l'épais roman de Mohamed Benchicou, journaliste algérien, intitulé Le mensonge de Dieu.

          A tel point d'ailleurs qu'elle en sature le récit. Qu'elle déborde des phrases, qu'elle enfle les paragraphes et que, par endroits, elle rend obèse la narration. C'est l'histoire d'une famille berbère, au nom symbolique ("les paroles"), dont l'ancêtre s'engage dans l'armée prusienne en 1870 et qui va entraîner toute sa descendance dans les tourmentes guerrières du XXème siècle. Et bien des fois, l'engagement dans la violence se fait au nom de Dieu à qui l'on fait dire bien des mensonges: bien évidemment, cette mise en perspective n'est qu'un prétexte pour dénoncer la violence endémique de l'Algérie contemporaine et son impasse politique.

          Bien des passages du livre sont prenants, sincères et plutôt lyriques. Mais aussi que de complications (qui peut s'y retrouver dans l'arbre généalogique de cette famille!) et de lourdeurs! Le lecteur finit par avoir le sentiment que des pages entières de l'histoire européennes du XXème siècle ont été plaquées sur le récit: par endroits, on "voit" véritablement les "fils blancs" qui cousent la narration. Plus on avance dans l'implication de cette famille dans les épisodes les plus sombres de notre histoire récente et plus cette permanente "fatalité" paraît artificielle et "surjouée". A côté des Imeslayène (tel est le nom de cette famille maudite), le sort des Atrides (vous savez, la famille dézinguée d'Antigone poursuivie par la malédiction des Dieux pendant des générations!) paraît presque enviable!

          Et Dieu dans tout ça?

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13 octobre 2012 6 13 /10 /octobre /2012 14:41

Léna          Qu'est-ce qui nous fascine, nous français, dans la Russie éternelle? L'immensité géographique du pays face à la modestie de notre territoire, la résignation de l'âme russe que notre tempéramment rebelle peine à comprendre, l'art de la patience que l'on compare à notre capacité à l'impatience? Sans doute un peu de tout cela. Et c'est ce que l'on retrouve dans le premier roman de Virginie Deloffre, Léna.

          Léna est une jeune femme originaire, par sa mère, d'un peuple de l'extrême nord sibérien. Elle a épousé un pilote de chasse qui devient cosmonaute sur les pas de Gagarine. Tout le roman tourne donc autour des absences du cosmonaute qui finit par participer à une mission sur MIR et de la longue patience (atavique semble-t-il) de son épouse qui ne le voit que rarement, le tout sur fond d'effondrement de l'URSS.

          Pour qui veut découvrir l'épopée spatiale russe, le roman vaut un bon essai. Et de mon point de vue, c'est là aussi que le bât blesse. Car il n'est pas donné à tout écrivain d'écrire comme Zola, Flaubert ou Jules Verne, avec cette capacité à faire passer au lecteur une somme de connaissances au travers de l'enchantement du récit romanesque. Dans le cas de Mme Deloffre, les pages sur la conquête spatiale russe et sur l'effondrement du régime soviétique, bien qu'intéressantes, sont plaquées sur le récit, ne s'y glissent pas et donnent l'impression d'un encart pédagogique en plein roman.

           Cela dit, de belles pages parsèment ce livre, avec un don souvent heureux pour les images surprenantes, ce grand talent de la métaphore qui donne en général tout son mérite à un roman: notamment celle du pain et du bonheur ("Le bonheur est-il comme la pâte dont on fait le pain?") ou la comparaison entre le retour du mari et le dégel printanier ("C'est là qu'elle cède ma cuirasse d'absence. Elle se disloque comme chez nous la glace assaillie par le printemps...").

          Plus généralement, on ne peut s'empêcher de voir dans le rythme du roman, d'abord très lent puis qui s'accélère brusquement dans les cinquantes dernières pages, un parallèle (voulu? inconscient?) avec le lent dégel de l'URSS dont la solide banquise finira par brutalement céder sous les rayons du réchauffement historique.

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6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 00:00

Blonde          Voilà exactement cinquante ans qu'une actrice blonde du nom de scène de Marylin Monroe disparaissait et laissait la place à un mythe dont seul le cinéma a le secret. Blonde de Joyce Carol Oates nous plonge au coeur de cette légende avec une précision, une intimité et un réalisme qui font de ce roman une biographie qui l'emporte presque sur la vraie vie de Norma Jeane Baker.

          A vrai dire, le destin de la petite Norma n'est guère enviable! Car derrière le mythe se cache une femme timide, derrière la femme timide se cache une jeune fille fragile, derrière la jeune fille fragile se cache une petite fille traumatisée (par sa mère qui finira dans un hôpital psychiatrique et qui est constamment présente dans la pensée de Norma Jeane et dans le roman).

          C'est sans aucun doute la grande qualité du livre que de nous donner avec virtuosité cette multiplicité de points de vue, cet "envers du décor". Posture d'autant plus émouvante pour le lecteur que nous gardons tous en nous une vision sacralisée de l'actrice et que cette image ne nous quitte jamais alors même que nous pénétrons au plus intime de la femme et que nous en touchons les incroyables faiblesses (le bégaiement, les terribles migraines, les médicaments, l'alcool, ses avortements et la perte de deux bébés qu'elle désirait pourtant si fort..).

          J'ai découvert combien Marylin, tout en ayant été "fabriquée" par l'usine à mythes d'Hollywood, était aussi et avant tout une actrice de génie, très exigeante pendant les tournages, qui vivait ses rôles, qui se transformait au sens propre et souvent à la surprise des autres acteurs comme des réalisateurs. Là aussi, le livre recèle des scènes poignantes (et de plus en plus fréquentes) où Norma passe des heures à se faire maquiller pour "redevenir" Marylin (celle qu'elle appelle "l'Amie magique" depuis son enfance) et que soudain se produit le miracle sous nos yeux (le miracle du cinéma aussi sans doute): une pauvre alcoolique aux yeux gonflés et aux cheveux ternes sort de sa loge en femme magnifique, aux yeux d'un bleu troublant et aux cheveux d'une magique blondeur!

          Tous les hommes ne préfèrent pas les blondes mais Marylin restera toujours la blonde préférée des hommes!

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27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 22:24

mal de pierres          L'un des plus grands plaisirs de la littérature est, à travers l'oeil intelligent, connaisseur et enthousiaste d'un auteur, de nous faire découvrir de nouveaux horizons de pensées mais aussi simplement géographiques. Avec Milena Agus et son petit roman Le mal de pierres, nous voilà partis à la découverte de la Sardaigne après 1945. Qui connaît donc cette île plus grande que la Corse, plus italienne que la Corse et son improbable capitale Cagliari? A lire le récit poétique et doux amer de Milena Agus, pour un peu on se précipiterait séance tenante pour acheter un billet pour l'île.

          La narratrice est la petite fille d'une grand-mère sarde qui lui conte sa vie, par bribes, depuis sa jeunesse passée à attendre en vain des prétendants puis son mariage de raison avec un veuf de passage et enfin sa seule véritable passion pour un homme marié, rencontré à l'occasion d'une cure thermale sur le  continent.

          Car notre héroïne souffre de calculs rénaux, son "mal de pierres", qu'elle rend responsable de son mal d'amour, sa difficulté à aimer et être aimée. Et puis, elle est différente, elle sait lire! Elle écrit même, en cachette de sa famille. Car en Sardaigne, plus encore qu'ailleurs, l'époque n'est pas encore à l'épanouissement de la femme et à l'expression de ses passions. Alors elle refuse l'amour à son mari mais n'hésite pas à lui fournir des "prestations" comme dans certaines maisons fréquentées par les hommes de ce temps.

          Puis elle finit par avoir un fils, qui deviendra un grand pianiste. Mais toujours elle aura en elle la nostalgie du grand amour pour cet inconnu qui a disparu de sa vie aussi vite qu'il y était entré et dont on se demande s'il n'est pas le père de l'enfant (on se le demande jusqu'aux dernières lignes du récit). Cette nostalgie, cette petite musique triste et qui, malgré tout, est imprégnée d'un certain bonheur est portée par la légèreté de l'écriture de Milena Agus et semble épouser parfaitement la sobriété, la rudesse parfois, des rivages sardes dont on perçoit tout de même, par endroit, une douceur de sable fin et de lumière de couchers de soleil.

          Ce mal de pierres nous fait du bien somme toute!

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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 15:25

gore vidal           Gore Vidal vient de mourir et, aujourd'hui, on a oublié combien cet auteur américain a fait débat au lendemain de la seconde guerre mondiale lorsqu'il publie Un garçon près de la rivière. Un adolescent de 17 ans, issu de la middle class, connaît une expérience physique avec son meilleur copain alors que ce dernier s'apprête à quitter sa petite ville pour partir découvrir le monde. Le premier n'aura de cesse de courir après le souvenir de cette après-midi particulière, donnant à l'auteur l'occasion d'aborder ouvertement la question de l'homosexualité dans une société qui était loin d'être prête à l'assumer.

         La scène primordiale entre Jim et Bob, au bord de la rivière et au crépuscule d'un bel été, est d'une grande pudeur et d'une concision poétique et très évocatrice. Elle sauve en partie un récit qui, par la suite, perd en spontanéité, connaît des longueurs dans cette odyssée si prévisible d'un Jim à la recherche de cet amour perdu (entre relations superficielles, rencontres d'un soir et milieu gay caricatural).

         Car évidemment, Bob n'en est pas et il aura bien vite oublié cette passade près de la rivière. Les retrouvailles des deux amis manquent aussi de fraîcheur sauf peut-être dans l'issue que Jim lui donnera, qui laisse le lecteur un peu assommé.

          Ce roman, admiré par Thomas Mann et quelques écrivains mais fort décrié par beaucoup d'autres, vaut pour nous surtout par son côté "pionnier" et courageux. Et puis, qu'il soit abordé entre deux hommes ou entre un homme et une femme, le thème de l'instant de grâce de la première fois nous remplit éternellement de nostalgie... surtout à l'idée qu'on ne remonte jamais la rivière.

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24 août 2012 5 24 /08 /août /2012 19:23

41jz7cgSAfL. SL500 AA300           Quand un grand écrivain commente l'oeuvre d'un autre grand écrivain, c'est souvent passionnant. Si le critique n'est pas de la même culture, cela ajoute à l'intérêt; si les deux écrivains sont séparés par des années ou un siècle, l'exercice devient remarquable car la distance temporelle ajoute du recul et de la sérénité. Voilà ce qui vous attend à la lecture de La tentation de l'impossible de M. Vargas Llosa: lorsqu'un prix Nobel péruvien du XXIème siècle analyse un ouvrage d'un génie de la littérature française du XIXème siècle, Victor Hugo.

          En l'occurrence, Vargas Llosa s'attaque à l'un des romans les plus lus, commentés et adaptés de Hugo, Les Misérables. Il s'agit d'un cours (augmenté et revu pour l'édition) donné par l'écrivain péruvien dans une université anglaise (quelle chance d'avoir un tel professeur de littérature... mais passons!). Premier intérêt pour le lecteur: s'il a lu Les Misérables, c'est une excellente "remise à niveau"; s'il ne l'a pas lu, l'exercice lui en donne une bonne vision et, qui sait, peut lui donner envie de se plonger dans les centaines de pages de ce chef d'oeuvre. Le second intérêt, et évidemment le principal, est d'aborder ce roman sous un angle nouveau et d'en découvrir certaines clés qu'une lecture classique, même attentive, ne permet guère de découvrir. Rien ne vaut un bon guide pour une bonne exploration!

          La vision qu'a Vargas Llosa de cette oeuvre repose sur le principe suivant: Hugo se comporte en démiurge, écrivain omniscient; il est sans doute le dernier grand écrivain à le faire car Flaubert arrive et transforme le roman classique en roman moderne (et nous vivons en grande partie encore aujourd'hui sur cette révolution littéraire). Par cette approche d'auteur "Dieu", Hugo invente une réalité (humaine, économique, sociale...) plus forte et plus vraie que la réalité véritable de la misère du XIXème siècle. C'est la vision que l'auteur péruvien a de la littérature (et qu'il illustre dans d'autres essais): la vérité du mensonge. L'écrivain est un inventeur, un menteur de génie et ses mensonges sont, pour le lecteur, une vérité au moins aussi importante que le monde réel.

          Hugo, plus qu'aucun autre auteur sans doute, atteint au sublime dans cet exercice et, même si à l'impossible nul n'est tenu, son génie créateur est un coeur vaillant auquel rien n'est... impossible.

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8 août 2012 3 08 /08 /août /2012 18:58

                                                            carte temps

          C'est un thème universellement partagé et dont philosophes, écrivains, cinéastes se sont saisis à toutes les époques: voyager dans le temps. L'écrivain espagnol Felix J. Palma s'y est mis à son tour avec La Carte du Temps. Avec un souci d'originalité indéniable... et un peu de lourdeur par moment!

          Nous sommes à Londres à l'époque de Jack l'Eventreur (évidemment, rien que d'évoquer cette "image d'Epinal" du roman à la Conan Doyle, tout lecteur normalement constitué en a l'eau à la bouche!) et de HG Wells, l'auteur à succès de La machine à explorer le temps. Une compagnie privée propose au public londonien, moyennant fortes espèces sonnantes et trébuchantes, de voyager dans le temps, jusqu'en l'an 2000 pour assister à une bataille déterminante pour l'humanité entre les hommes et les robots, appelés "automates" dans le roman afin d'éviter tout anachronisme (sic). Même la Reine Victoria se laisse prendre au piège de cette escroquerie... fort lucrative pour son auteur, un écrivain raté mais génial entrepreneur! Seul HG Wells n'y croit pas et il faut dire qu'il s'y connaît en affaires temporelles!

          Tout cela sur fond d'assassinats de prostituées, d'histoires d'amour "intemporelles" et de tentatives de vol de manuscrits à l'encontre d'Henry James, Sam Brocker et HG Wells! Excusez du peu! On progresse dans le roman par étape et avouons que cela est une réussite du roman car, comme tout bon lecteur, on a envie d'y croire et l'on se laisse vite prendre au piège de ces vrais faux voyages dans l'espace-temps. Pourtant... (car de mon point de vue, il y a un mais...), par moment le récit traîne en longueur, s'embrouille quelque peu et surtout souffre de vraies fausses bonnes idées narratives. Par exemple, les interventions de l'auteur omniscient qui affirme à longueur de phrases son omniscience, sans doute pour mieux nous convaincre qu'il n'en est rien. On hésite à qualifier ces interventions de naïves, balourdes ou pédantes...

          Et puis, de mon point de vue, la fin me semble bizarrement embrouillée, à tel point qu'on ne sait plus trop si voyager à travers le temps ne serait finalement pas à la portée de tous! Entre temps (si je puis dire), on aura tout de même passer un bon moment... et pour pas si cher que cela!


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28 juillet 2012 6 28 /07 /juillet /2012 19:08

Algérie2          A trop prêcher dans le désert, on finit par perdre ses disciples. Telle est la mésaventure que connaît Domingo Zarate Vega, faux Christ et vrai pécheur, dans El arte de la resurreccion, roman du chilien Hernan Rivera Letelier. 

          Dans les années 40, au nord du Chili, dans un des déserts les plus arides du monde, un "illuminé" se fait passer pour la réincarnation du Christ et parcourt les petites villes minières pour prêcher la bonne parole, la gloire éternelle de Dieu et, à l'occasion et plutôt deux fois qu'une, connaître bibliquement des pécheresses en mal de pardon. Au cours du récit, il rencontre une demoiselle de petite vertu, appelée Magalena et il se met en tête d'en faire sa disciple comme Jésus (le vrai) a remis Marie-Madeleine dans le droit chemin. Par ailleurs, la bonté de cette p... respectueuse n'a pas de limite et elle a pris sous son aile protectrice un pauvre bougre n'ayant plus toute sa tête, qui passe ses journées à "balayer" le désert et que, dans nos vertes campagnes, nous appellerions "l'idiot du village".

           Ces pittoresques personnages sont au centre de péripéties plus grotesques et invraisemblables les unes que les autres qui donnent à rire et parfois à songer. Car sous l'humour et le surréalisme du récit, de vraies questions de charité chrétienne, de frontière entre folie et normalité, de solidarité et d'égoïsme, en un mot des questions de condition humaine sont posées au lecteur. Qui plus est, au centre du roman, les questions sociales ne sont pas absentes puisque les aventures du faux Christ, de sa putain et de son gentil demeuré se déroulent sur fond d'une grêve dure, opposant les mineurs à leur patron "gringo" (américain bien sûr), symbolique de la condition ouvrière plus que précaire dans le Chili d'avant guerre dominé par la grande propriété terrienne et la domination américaine sur les ressources naturelles du pays. Les tensions socio-politiques qui entraîneront plus tard l'arrivée au pouvoir d'Allende puis le coup d'état militaire de Pinochet sont en filigrane dans le livre.

           Et au bout du compte, il ne faudra pas attendre trop de miracles de ce succédané du Christ: la résurrection, c'est tout un art et qui n'est pas à la portée du premier venu.

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21 juillet 2012 6 21 /07 /juillet /2012 18:37

          Je n'en dirai pas grand-chose car cela n'en vaut pas la peine! La nuit de Calama de Claude Michelet avait tout pour (me) plaire, notamment avec ce titre qui me renvoie au Chili. L'idée de dresser un parallèle entre la dictature chilienne (Pinochet) et l'oppression nazie et vychiste n'était pas mauvaise en soi.

          Mais le résultat est en dessous de la moindre espérance. Le huis-clos de deux français dans une cellule chilienne est navrant de banalité; le prétexte de leur emprisonnement pas crédible une seconde; la conclusion (leur libération) d'une platitude presqu'amusante (dans le genre, "maintenant que nous sommes libres, vous allez voir ce que vous allez voir monsieur-l'officier-gêné-aux-entournures...")

          Les seuls moments du récit relativement crédibles et prenants concernent le retour sur le passé du père du narrateur, résistant qui a été torturé par la Gestapo et envoyé en camp de concentration d'où il ne reviendra pas.

          A part ça, ne passez pas votre nuit... à Calama! 

 

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18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 18:58

el mundo          Lire l'autobiographie romancée d'un auteur est souvent une expérience fort intéressante pour le lecteur avide des secrets de fabrication d'une oeuvre. Lorsqu'il s'agit, bien sûr, d'autobiographies de qualité! Celle que nous livre l'auteur espagnol Juan José Millas, El mundo, est non seulement de qualité mais elle lève le voile sur bien des mécanismes de la création littéraire.

          L'origine du monde (il fallait oser!) remonte au Paradis perdu pour le petit Juan, obligé de quitter Valencia, la mer et la chaleur, pour s'installer à Madrid avec sa famille et entrer dans le froid, la grisaille et le déclassement social, synonyme de privations et de vexations. L'enfant vit dans sa rue, devant sa maisonnette avec comme meilleur ami un enfant atteint d'une grave maladie et qui n'a que quelques années à vivre. Temps de la découverte d'un monde dur et hostile, même s'il est par instant magnifié par le regard de l'enfance, temps des doutes et des interrogations, temps des premières amours contrariées, temps des bêtises innocentes mais qui prennent une terrible importance aux yeux d'un enfant très sensible, trop sensible et attaché à mère d'une manière fusionnelle.

          Une des qualités du livre réside aussi dans les aller retour très naturels entre ce temps de la "venue" au monde et le temps adulte, le temps de l'expérience romanesque dont l'auteur met en lumière les mécanismes en les reliant au plus près à ses frustrations et aventures enfantines. Le plus bel exemple en est la métaphore sans cesse filée du "bistouri électrique": enfant, l'auteur a assisté à la découverte de cet instrument chirurgical par son père et il compare sa capacité étonnante d'ouverture d'une plaie tout en la cautérisant au mécanisme de l'écriture. Il comprend, en voyant son père utiliser le bistouri, que l'écriture cicatrise les blessures au moment même où elle les ouvre.

          Enfin, auttre raison, et non des moindres, d'apprécier cette oeuvre qui a reçu en Espagne un des plus importants prix littéraires (premio Planeta 2007): un humour pince-sans-rire lié à des situations que tous les enfants que nous avons été ont un jour vécues, souvent sans les trouver bien drôles sur le moment. Une façon de retourner agréablement le couteau dans les plaies du passé!

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Quatrième De Couverture

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  • : Blog sur lequel sont publiées des oeuvres de l'auteur (sous forme de feuilleton) ainsi que des articles sur les livres qui comptent pour l'auteur. L'envie de partager l'amour de lire et d'écrire.
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Parole d'auteur

"... je connaissais l'histoire de dizaines d'écrivains qui essayaient d'accomplir leur travail malgré les innombrables distractions du monde et les obstacles dressés par leurs propres vices."

 

Jim Harrisson in Une Odyssée américaine

 

"Assez curieusement, on ne peut pas lire un livre, on ne peut que le relire. Un bon lecteur, un lecteur actif et créateur est un relecteur."

 

    Vladimir Nabokov in Littératures

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