Peut-on être heureux à l’ombre du Vésuve ? Peut-on être heureux lorsqu’on est pauvre et orphelin ? En lisant le roman d’Erri de Luca, Le jour avant le bonheur, tout lecteur sensé répondra par l’affirmative. Car les quelques pages de ce court roman sont un condensé d’apprentissage du bonheur… malgré tout.
Nous sommes à Naples quelques années après la Seconde Guerre mondiale. Le narrateur est orphelin et il vit en compagnie et sous la protection de don Gaetano, concierge d'un immeuble du centre historique de la ville. En une petite centaine de pages, le jeune garçon grandit, apprend la littérature et les jeux de cartes, apprend la vie et l'amour, apprend la violence et la mort et, à la fin du récit, il doit fuir vers l'Argentine comme l'a fait don Gaetano en son temps: il doit renoncer à Naples, la ville qui lui a appris le bonheur ("Je dois t'apprendre et je dois te perdre").
Bien sûr, au coeur du récit et de l'apprentissage du narrateur, il y a une jeune fille, entrevue dans l'enfance ("Le jour avant le bonheur n'était pas encore arrivé pour moi"), jamais oubliée et qui fera connaître au jeune garçon le bonheur puis le malheur le temps d'un été. Car Naples la généreuse, gorgée de soleil, sait aussi se montrer impitoyable envers ses enfants, au pied toujours menaçant du volcan.
Erri de Luca a écrit un roman d'apprentissage comme chacun d'entre nous aime à en lire car on y trouve toujours quelque chose de nos propres années d'enfance. Le récit est court mais truffé de merveilleuses et savoureuses remarques sur les livres (les enfants qui jettent les livres des parents sans savoir que c'est un peu de leur vie qu'ils font disparaître), le bonheur ("J'ai appris ainsi qu'on oublie le bonheur le jour après"), la ville ("La nuit, la ville est une poche retournée"), l'éducation ("Dans les têtes entrait la lumière, comme il en entrait dans la salle").
Le bonheur après ce livre reste un grand bonheur.