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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 19:07

Obéir          Saviez-vous que la Finlande avait connu une guerre civile en 1918 entre les "rouges" (sociaux-démocrates soutenus par la Russie bolchevique) et les "blancs" (les conservateurs appuyés par l'Allemagne)? Elle fut courte mais assez meurtrière et les blancs finirent par l'emporter. Cet épisode très douloureux de l'histoire finlandaise sert de toile de fond au roman de Leena Lander, Obéir.

          Il s'agit d'un huis-clos entre un juge militaire "blanc", une prisonnière "rouge" et le soldat "blanc" qui a conduit la femme au tribunal en la sauvant d'une exécution sauvage et immédiate par ses compagnons d'armes. Le juge, piètre romancier et poète à ses heures, se targue d'être capable de faire avouer la femme et il cherche à découvrir ce qui s'est peut-être vraiment passé entre la prisonnière et le soldat. Ce dernier n'a pas eu un comportement exemplaire avec la femme et cherche à se racheter une conscience en prenant progressivement son parti. Quant à la prisonnière, elle est mystérieuse, silencieuse, forte, déterminée et refuse d'obéir.

          Tout le récit tourne autour des jeux de haine et de séduction qui lient les personnages entre eux, dans un procédé narratif particulier qui donne tour à tour la parole à chacun des protagonistes. Si tout cela se déroule au bout du monde, au fin fond d'un pays où l'on n'arrive jamais, l'auteur met en scène avec talent des passions communes à l'humanité comme la haine, le mensonge, l'obéissance, la séduction... L'horreur de la guerre en général, de cette guerre civile en particulier, imprègne chaque mot du récit et se trouve mise en relief par la métaphore du loup qui sert de fil rouge au roman (où l'on nous renvoie à nos cours de philosophie et le souvenir indélébile de la fameuse théorie de Hobbes, "l'homme est un loup pour l'homme").

          Le dénouement est, comme il se doit, tragique et donne raison à qui a su et osé désobéir! Mais j'en ai trop dit... 

 

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 22:56

chichkine          La Russie d'un temps passé, très peu défini (mais on finit par comprendre qu'on est en 1900, du temps de la guerre des Boxers en Chine), deux amoureux qui s'écrivent parce que lui est parti en Chine pour la guerre en question. 

          Voilà, en quelques mots, la trame de Deux heures moins dix du romancier russe contemporain Mikhaïl Chichkine. Les lettres ne se répondent pas et assez vite, il est évident qu'ils ne reçoivent pas le courrier de l'autre. Pour une correspondance, c'est un peu "ballot". Et malgré tout, il y a de la correspondance, ou des correspondances, dans tout cela: leur amour idéalisé, leur enfance qui ressurgit, leur solitude dans l'éloignement l'un de l'autre...

          Beaucoup de pages sont très belles et très fortes, celles sur l'amour partagé bien sûr mais aussi celles sur la guerre et le malheur et la souffrance qu'elle porte. Et puis progressivement, l'écoulement du temps se dérègle et la vie de Sacha (la femme) avance plus vite que celle, figée dans le bourbier chinois, de Volodia. Cette idée de "désynchronisation" est séduisante mais il faut du temps pour se l'approprier: un peu trop d'ailleurs, à tel point qu'on finit par ne plus comprendre grand-chose et qu'on se lasse un peu de cet artifice littéraire (du coup, je suis incapable de vraiment situer le moment où l'on est censé comprendre que Volodia meurt sur le champ de bataille!).

          Volodia le soldat, on l'apprend dans ses lettres, a choisi (avant de partir à la guerre), de devenir écrivain et l'auteur lui fait expliciter ce choix de cette énigmatique sentence: "Etre écrivain, c'est n'être personne". Homère et Pessoa apprécieront! Après tout, dans ce roman,  le temps d'écrire s'est arrêté un peu avant deux heures: va savoir pourquoi!

         

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17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 09:19

Les gants          Sur les rives d'Istanbul coule le Bosphore et nos amours s'en souviennent encore. Voilà qui pourrait servir d'incipit au recueil de nouvelles Les Gants de l'auteur turc Murathan Mungan.

          Toutes ces nouvelles sont à la première personne même si le narrateur est tantôt un homme tantôt une femme, parfois les deux comme dans la dernière nouvelle, Certitudes transitoires, où le changement se fait en cours de récit. D'où une proximité du lecteur avec les sentiments exprimés par l'auteur: tout tourne autour des relations affectives tissées entre les divers personnages. Ces relations qui paraissent simples de prime abord et qui, toujours, se révèlent plus complexes et plus tendues qu'il n'y paraît. Fausse sérénité, ennui de la vie commune, jeu du chat et de la souris, intolérance... Le paysage sensible des nouvelles est au moins aussi enchevétré que les ruelles du vieil Istanbul.

          Ce qui ressort aussi de ces récits des bords de la Mer Noire, c'est une impression de mélancolie permanente comme si la tristesse était consubstantielle à la relation d'amour ou d'amitié entre les êtres. L'autre n'est jamais ce qu'il paraît et les surprises sont rarement très bonnes. D'ailleurs, la mort rôde entre les pages jusqu'à sa mise en scène extrême dans l'ultime nouvelle dans laquelle le narrateur est un... mort.

          Ce qui, paradoxalement, me semble le moins présent dans le recueil, c'est la Turquie. Certes de nombreux lieux d'Istanbul sont cités par l'auteur mais il y a peu de mise en situation et on ne se représente guère la topographie de la ville. Cette carte du "tendre" n'est finalement pas si turque que cela mais bien plutôt essentiellement universelle.

 

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10 juin 2012 7 10 /06 /juin /2012 17:19

fitzgerald          C'est une histoire d'assiette fêlée, comme nous en avons tous dans nos buffets, de celles qu'on aime bien, qu'on ne jetterait pas pour tout l'or du monde mais qu'on n'utilise plus guère désormais. Francis Scott Fitzgerald, au tournant de la quarantaine, a écrit une courte nouvelle (ou un petit essai plutôt) intitulée L'Effondrement et dans laquelle il joue de cette image de la porcelaine fêlée.

          La nouvelle est comme une clé de lecture de toute l'oeuvre de Fitzgerald car cette fêlure qu'il décrit, elle est un peu celle de nombre de ses personnages, à commencer par Gatsby. Une sorte de désillusion qui surgit soudain, sans crier gare, qui vient de l'intérieur et qui est la plus pernicieuse, la plus difficile à éviter et celle qui fait le plus de ravage: "Les coups qui vous démolissent le plus spectaculairement [...] qui viennent de l'extérieur [...] ceux-là tout d'abord ne laissent pas de trace. Mais il existe un autre genre de coup, celui-ci venu de l'intérieur, et dont on s'aperçoit trop tard pour y remédier." C'est un feu qui couve sous la cendre, qui s'alimente d'amertumes successives et qu'un incident peut tout à coup faire flamber.

          Cet effondrement que Fitz ressent en arrivant à l'âge de 40 ans, c'est aussi une sorte de renaissance: à cet instant, il fait le choix définitif de l'écriture contre toute autre ambition, chassant de la sorte ses "regrets d'adolescence" (ne pas avoir été une vedette à l'université) et assumant ainsi "la contradiction entre le poids mort du passé et les intentions nobles pour l'avenir". C'est au moment de cet effondrement prématuré (selon lui), de cette "immolation" de soi-même que, tel le Phénix, il devient "exclusivement écrivain", ce qu'il est profondément et depuis toujours, après avoir essayé obstinément d'être un autre, "fardeau" dont son effondrement lui permet de s'affranchir.

          "Le vieux rêve d'être un homme complet [...] doté d'une opulente touche américaine [...] a été relégué dans le tas de vieilleries à jeter...". Si la fêlure fragilise l'assiette, elle nous la rend aussi plus précieuse et plus authentique.

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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 16:50

Venise          L'idée était séduisante: raconter le voyage à Venise du philosophe allemand Schopenhauer qui, sur recommandation du poète Goethe, vient y rencontrer lord Byron. L'idée était séduisante mais le défi difficile. Pour son premier roman, le journaliste allemand Christoph Poschenrieder n'est pas à la hauteur de son ambition avec Le monde est dans la tête.

          On ne vibre pas, on ne sourit pas, on ne s'emballe pas à ma lecture de ce livre: tout y est cérébral, c'est le mot qui me vient spontanément à l'esprit. Le lecteur est comme détaché, à distance de ce héros philosophe dont on ne sait pas si l'on doit le trouver sympathique, naïf, authentique, arrogant...

          On sent par ailleurs la recherche besogneuse de vérité historique avec des passages des oeuvres dudit philosophe, de Goethe et de Byron plaqués dans le récit, avec les apparitions poussives du chancelier autrichien Mettternich et quelques considérations de rigueur sur la politique internationale de l'époque.

          Quant à Venise, elle n'est pas rendue sensible au coeur mais là encore, le lecteur devine tout un effort pour montrer la connaissance que l'auteur en a (et cela ne fait aucun doute) mais à aucun moment, on ne se sent transporter dans cette Sérénissisme du début du XIXème siècle: la scène finale de la poursuite en gondoles est même d'un compliqué qui dérouterait un gondolier et ne tient vraiment pas le lecteur en haleine.

          On aurait préféré que le monde fût dans le coeur!

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13 mai 2012 7 13 /05 /mai /2012 19:12

Miguel Littin          A l'égal du roi Midas, tout ce que le prix Nobel colombien Garcia Marquez touche se transforme en or. Ainsi de ce petit récit en forme journalistique, intitulé La aventura de Miguel Littin clandestino en Chile, publié en 1986 et qui relate le séjour clandestin du cinéaste chilien Miguel Littin dans son pays d'où il a été exilé, interdit de séjour, et où il revient pour filmer une société entièrement soumise à la botte de Pinochet.

          Le récit est à la première personne, ce qui lui confère une indéniable dimension émotionnelle et une sincérité immédiatement perceptible. La narration nous entraîne dans l'aventure de Littin avec l'intensité d'un roman et par moment, le suspense est celui d'un roman policier de la meilleure veine.

          Je suis entré pour la première fois au Chili en 1988, dernière année de la dictature d'Augusto Pinochet et mes premières impressions furent tout à fait comparables à ce que ressent Miguel Littin: par exemple, dans les rues de Santiago, alors qu'on est en pleine dictature, qu'il existe un couvre-feu, on ne voit aucune trace de militaires ou même de policiers alors qu'à Paris ou New-York, les rues sont remplies d'hommes en uniforme. Le récit de Garcia Marquez est truffé de petites annotations sur la société chilienne des années 80, sur la réalité vécue du régime militaire, sur la capacité des opposants à contourner les interdits et à miner progressivement les fondations d'un régime féroce sous ses atours séduisants de libéralisme moderne.

          Au coeur du récit, les figures de Salvador Allende, le Président renversé, et de Pablo Neruda, le poète prix Nobel de Littérature, sont comme deux joyaux qui brillent de l'éclat éternel de la démocratie et de la noblesse morale d'un Chili authentique, joyaux enserrés dans la gangue obscure d'un régime militaire que l'Histoire a fini par condamner. "El pueblo unido jamas sera vencido"!

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12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 18:50

camila lackberg          Le roman policier venu du Nord est très tendance aujourd'hui et remporte tous les suffrages des lecteurs. Il se tient même au haut de la vague (du tsunami devrais-je dire) du polar. Et pourtant, certains prennent l'eau! C'est le cas, à mon humble avis, de L'Oiseau de mauvais augure de la suédoise Camilla Läckberg et, contrairement au cochon, dans ce roman tout est mauvais.

          Il s'agit d'une série de meurtres à plusieurs années de distance, qui suivent toujours le même scénario (accident de voiture sous forte emprise de l'alcool): le dernier en date a lieu dans une petite ville du sud de la Suède au moment même où s'y déroule une émission de télé-réalité (d'une bêtise affligeante mais c'est assurément une tautologie). On suit donc un inspecteur du nom de Patrik dans son enquête qui traîne relativement en longueur, qui est sans cesse entrecoupée de scènes (exaspérantes) de l'émission de télé-réalité dont il se trouve qu'une des participantes se révélera un élément clé de la série de meurtres.

          Qui plus est, on inflige au lecteur la préparation laborieuse du mariage du sus-cité inspecteur de police avec sa compagne Erica (plus ou moins écrivain de son état): c'est un peu comme dans les séries policières américaines d'aujourd'hui où l'on meuble un scénario un peu léger en "zoomant" sur les histoires de coeur ou autre malheur des enquêteurs. Sans parler de la grotesque histoire d'amour du commissaire (pas Patrik mais son chef) qui tournera plutôt mal et dont on ne voit vraiment pas, mais alors pas du tout, l'intérêt (mais il faut tout de même que le bouquin dépasse les 300 pages!).

          Tout est mauvais donc: le style est d'une platitude navrante, les personnages stéréotypés, les dialogues convenus, le suspens très "soutenable" (j'ai découvert le coupable bien avant la fin, ce qui ne m'arrive jamais d'habitude), l'intrigue plus que poussive. J'en passe et de bien pires! Décidément, il ne suffit pas de venir du Nord pour donner froid dans le dos au lecteur... 

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 18:06

e mann          Quand les lumières s'éteignent, c'est la nuit qui recouvre le monde! Le témoignage d'Erika Mann, sorte de chronique du nazisme ordinaire dans une charmante ville d'Allemagne en 1939, nous replonge dans les ténèbres d'avant la Seconde Guerre mondiale et, sinistre concordance des temps, à l'heure où se font jour des tentations extrêmes partout en Europe, nous rappelle combien est fragile la démocratie.

           Le destin de la "dynastie" Mann est lié au naufrage de la République de Weimar puisque le père, Thomas, prix Nobel de Littérature a dû prendre la nationalité américaine et que deux de ses enfants les plus célèbres sur la scène littéraire européenne, Klaus et Erika, se sont exilés en Amérique. Ce "tournant" (titre d'un des plus fameux ouvrages de Klaus) a profondément marqué leur vie et leur oeuvre.

          Dans Quand les lumières s'éteignent, Erika décrit en 10 chapitres l'invasion progressive de la société allemande des années 30 par le "système" nazi: chacun de ces chapitres est comme une courte nouvelle, s'appuyant sur une réalité - hélas -  historique mais développant un thème extrêmement vivant, une sorte de "docu-fiction" avant l'heure. On y découvre combien fut insidieuse la montée de la barbarie nazie: un des personnages se demande même à quel moment s'est refermé le "piège" du nazisme.

          Ce qui ressort de manière saisissante dans les récit d'Erika Mann, c'est la faiblesse de l'individu face à l'oppression collective consentie. Chacun des personnages choisis par l'écrivain est conscient de la bêtise et de la force morbide du régime nazi mais la peur et parfois la culpabilité l'empêchent de lutter (sauf pour le héros du dernier chapitre, mais à quel prix!) et il se livre presque sans résistance au destin funeste qui entraîne tout un peuple vers l'obscurité.

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30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 19:27

la-giralda          Les voies du Seigneur sont impénétrables, surtout lorsque le seigneur en question se revendique d'une religion différente! La mano de Fatima, de l'écrivain espagnol Ildefonso Falcones, rappelle combien les querelles religieuses ont façonné l'histoire des hommes et rarement dans l'allégresse.

          Nous voilà de retour dans l'Andalousie de la fin du XVIème siècle, revenue depuis près de cent ans dans le giron des Rois Catholiques et en proie à une révolte des musulmans convertis de force au catholicisme. Hernando (ou Hamid selon votre préférence partisane), fils d'une musulmane violée par un prêtre catholique (la chasteté n'était pas dans ses priorités, semble-t-il!), est le héros écartelé de ce récit: honni des catholiques et traité de "nazaréen" par les musulmans.

          Tout au long des 900 pages (l'inspiration divine a sans aucun doute décuplé les capacités créatives de M. Falcones!), nous suivons les heurs et malheurs d'un homme assurément représentatif de cet affrontement religieux et culturel qui a déchiré l'Espagne de la Renaissance comme les guerres de religion ont déchiré la France à la même époque, et comme elles continuent à pousser aujourd'hui les hommes les uns contre les autres dans bien des régions du monde, que ce soit au nom d'Allah ou de Dieu.

          La part la plus intéressante de ce roman me paraît inscrite dans l'Histoire justement, dont on pressent qu'elle est correctement mise en scène et qu'un travail sérieux de documentation est à l'oeuvre entre les lignes. Pour le reste, la narration est très classique, plutôt convenue, les personnages bien trop stéréotypés (sans doute un dommage collatéral d'une certaine volonté pédagogique de l'auteur, qui ressort bien dans les quelques mots de sa "postface") et le dénouement "hollywoodien". La morale de l'histoire est également sans surprise et le lecteur ne peut malheureusement qu'y souscrire: l'intolérance et le fanatisme sont d'hier et d'aujourd'hui et la main de Fatima (petit bijou en or qui donne son titre au livre et représente, avec ses cinq doigts, les cinq piliers de la foi musulmane) comme celle de Dieu sont bien lourdes parfois.

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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 13:39

bang mikael          Grâce aux nombreux polars qui envahissent les devantures des librairies depuis quelques temps, nous prenons conscience qu'il existe une littérature scandinave en dehors de S. Lagerlöf, S. Kierkegaard ou H. Ibsen. Mais il y a mieux: il existe aussi des auteurs scandinaves en dehors des vieilles gloires pré-citées et en dehors des auteurs de... polars! Par exemple, Herman Bang, danois, qui, à la Belle Epoque, a vécu à Paris, fréquenté une grande partie des artistes parisiens et a écrit un roman que Klaus Mann ou Robert Musil considéraient comme un chef-d'oeuvre: Mikaël.

          Un peintre célèbre, Claude Zoret (tiens donc! Claude Monet ne doit pas être bien loin d'autant que l'auteur, qui n'en fait que de rares descriptions physiques, mentionne tout de même une grande et longue barbe blanche!), que tous appellent "Maître", a recueilli un jeune et prometteur peintre tchèque, Eugène Mikaël, et en a fait son fils adoptif et son fidèle compagnon de travail. Jusqu'au jour où le gamin tombe profondément amoureux d'une princesse déclassée dont le "maître" vient de faire le portrait. A partir de ce moment-là, les liens entre les deux hommes se distendent irrémédiablement jusqu'au triste épilogue... que je ne déflorerai pas ici bien sûr.

          Ce livre m'a tout d'abord laissé perplexe. La narration est d'une extrême sobriété, presque glaciale. Les personnages sont comme à distance et dans la première partie du récit, on se lasse presque de ces scènes convenues entre un artiste, son admirateur-apprenti-souffre-douleur-bien-aimé et tous les personnages du monde artistique parisien fin de siècle (des mondains, des aristocrates déchus, un marchand d'art juif - Bang ayant d'ailleurs sur ce thème quelques remarques pour le moins surprenantes).

          Puis tout bascule dès lors que l'amour entre Mikaël et la princessse Zamikof s'enflamme et commence à détruire progressivement, par touches subtiles mais irrémédiables, tout l'univers que le peintre avait construit autour de lui. Mikaël lui échappe peu à peu, délaisse complètement la peinture pour se dévouer exclusivement à son amour. Le "maître" se réfugie alors dans son oeuvre et atteint au sublime dans trois dernières peintures qui font accourir le tout Paris et sont comme le chant du cygne. Seul celui qu'on attend n'accourt pas... Réflexion lucide et parfois cruelle sur la création et la solitude qu'elle impose autour d'elle, le roman d'H. Bang prend le parti de l'amour qui triomphe de tout au risque de tout détruire sur son passage, l'amitié comme l'art. Le génie est égoïste... comme l'amoureux.

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Quatrième De Couverture

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  • : Blog sur lequel sont publiées des oeuvres de l'auteur (sous forme de feuilleton) ainsi que des articles sur les livres qui comptent pour l'auteur. L'envie de partager l'amour de lire et d'écrire.
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Parole d'auteur

"... je connaissais l'histoire de dizaines d'écrivains qui essayaient d'accomplir leur travail malgré les innombrables distractions du monde et les obstacles dressés par leurs propres vices."

 

Jim Harrisson in Une Odyssée américaine

 

"Assez curieusement, on ne peut pas lire un livre, on ne peut que le relire. Un bon lecteur, un lecteur actif et créateur est un relecteur."

 

    Vladimir Nabokov in Littératures

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