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10 avril 2011 7 10 /04 /avril /2011 19:29

          magda goebbels          On a beaucoup écrit sur la période nazie de l'Allemagne, et ces derniers temps, des "thrillers" qui déroulent leur intrigue sur la toile de fond de la montée de la barbarie hitlérienne (je vous renvoie à un article précédent sur la Trilogie berlinoise de Philip Kerr).

          Le roman de Tobie Nathan, intitulé Qui a tué Arlozoroff? nous renvoie une fois encore aux arcanes du nazisme, il s'agit encore d'une sorte de thriller puisque le roman commence par l'assassinat du dirigeant juif Victor Arlozoroff sur une plage de Tel Aviv en 1933. Mais la perspective est cette fois centrée non sur la victime Arlozoroff, ni sur un improbable enquêteur de notre époque, Ezra Moreno, envoyé en Israël pour écrire un ouvrage intitulé... Qui a tué Arlozoroff?, mais sur une femme hors du commun, Magda Goebbels, la femme du très influent ministre de la propagande nazie, qui terminera ses jours dans le bunker berlinois d'Hitler après avoir tué ses six enfants et s'être suicidée avec Goebbels.

          Magda est belle, très belle, elle est différente, elle se sait différente; elle exerce une fascination irrésistible sur tous les hommes qui croisent son chemin, à commencer par son premier amour, le juif Victor Arlozoroff. Le roman est construit autour de la prise de conscience par cette femme d'un destin hors du commun, d'un destin fusionnel avec celui d'une Allemagne gagnée par la folie de la destruction des juifs. De déesse aryenne, elle en devient veuve noire, ou plutôt mante religieuse, se repaissant inlassablement des hommes qui croient bien naïvement la posséder. Jusqu'à dévorer le seul homme qu'elle a véritablement aimé, pour lui-même, pour ce qu'il était et non pour ce qu'il représentait...

          Roman de la folie d'une femme et d'un peuple, Qui a tué Arlozoroff? ne tombe pas dans les clichés car seule l'Histoire a finalement jugé les acteurs de cette sombre période.

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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 17:52

          Vargas Llosa          Mario Vargas Llosa, le dernier prix Nobel de littérature, n'a jamais été un homme de concessions: il s'est souvent opposé aux dictatures qui ont malheureusement et traditionnellement confisqué la liberté au Pérou, son pays d'origine; sa révolte s'est exprimée soit en s'exilant soit en se présentant aux élections présidentielles mais toujours en dénonçant les attaques perpétrées contre la démocratie. En s'emparant de la vie de l'indépendantiste irlandais Roger Casement, dans son dernier livre El sueno del Celta, il ne déroge pas à cette ligne de conduite qui l'honore.

          Car Roger Casement, le Celte en question, est un homme de contradictions et de combats difficiles à remporter et tout au long du récit, le lecteur perçoit l'empathie de Vargas Llosa pour son personnage, un jour héros le lendemain réprouvé . A la fin du XIXème siècle, et après avoir perdu très jeune sa mère, Roger part pour le Congo belge où il découvre les horreurs de l'exploitation coloniale. Il ne cessera plus désormais de dénoncer cette barbarie de l'homme contre son semblable en Afrique comme dans la jungle péruvienne, ce qui lui vaudra célébrité et annoblissement dans une Angleterre qu'il va ensuite combattre pour défendre la liberté irlandaise. Jusqu'à la faute: choisir en 1914 le camp de l'Allemagne avec l'espoir insensé d'y gagner l'indépendance de l'Irlande.

              Fidèle à une technique narrative qui caractérise nombre de ses oeuvres, Vargas Llosa fait alterner le présent, c'est-à-dire une prison londonienne en 1916 où le Celte attend la pendaison, et le passé, c'est-à-dire les pérégrinations de Casement en Afrique, en Amazonie, en Allemagne et en Irlande. La valeur particulière de la narration réside dans l'intimité que l'on éprouve peu à peu avec cet homme de conviction, qui ne se veut surtout pas un héros mais seulement un homme rempli de doutes, de faiblesses, un homme rempli d'humanité, somme toute un homme révolté.

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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 09:26

          le malade imaginaireAller voir jouer Molière au théâtre, c'est comme rendre visite à un vieil ami, dont on croit connaître toutes les manies mais qui, à chaque visite, vous surprend, vous fait rire, sourire et souvent penser.

          Voilà ce que je ressens en sortant du Théâtre du Gymnase (dans le 11ème arrondissement de Paris) où je viens de voir jouer Le Malade Imaginaire par la compagnie Ecla Théâtre (mise en scène de Daniel Leduc).

          Le théâtre d'abord: un petit écrin charmant et un brin désuet dont la façade est en pleine décomposition et recomposition comme en témoigne la vilaine présence d'échafaudages.

          Le public ensuite: des enfants partout qui, passés les premiers moments de la pièce où il faut se mettre à cette langue classique et qui ne dit plus grand chose à la génération Y, vont peu à peu entrer dans la danse comique de Molière et rirent aux éclats aux simagrées des acteurs.

          La pièce enfin: entre classicisme et modernisme, entre costumes d'époques et clins d'oeil contemporain (le fils du docteur Diafoirus, prétendant ridicule de la fille d'Argante, est habillé de cuir comme un habitué des bars gay du Marais), entre grosse farce et leçons universelles. Le final est particulièrement amusant, assez "vaudevillesque" avec une cérémonie loufoque d'intronisation d'Argante en médecin sur fond de formules latines "de cuisine" qui font autant rire notre déjà citée génération Y que les anciens latinistes dont je fais partie.

          Et puis il y a toujours les leçons d'humanisme de Molière qui donne aux défauts de ses contemporains une dimension universelle par le biais du rire, cette commune qualité de tous les hommes. Nous sommes tous des malades imaginaires, davantage préoccupés de notre "ego", de nos petites misères que de notre entourage dont nous ignorant souvent combien il nous chérit ou parfois combien il nous trompe. Notre maladie, comme celle d'Argante, c'est l'aveuglement et nos chimères ne résistent pas longtemps au traitement du docteur Molière!

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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 18:16

           Trilogie berlinoisePremier opus d'une Trilogie dite "berlinoise" de l'auteur écossais Philip Kerr, L'été de cristal inaugure une série d'enquêtes d'un privé allemand dans la tourmente des années trente qui marquent la montée du nazisme.

          Au-delà de l'intrique (prenante au demeurant), ce qui donne à ce récit tout son intérêt c'est la subtile imbrication dans le récit des éléments historiques qui font de cette époque un tournant du destin européen. Nous sommes à l'été 1936 et l'Allemagne du Chancellier Hitler accueille les Jeux Olympiques. Le climat de gangrène politique imprègne tout le récit: l'ordre nazi règne, le citoyen est progressivement embrigadé et "décervelé" mais, dans le même temps, il apparaît que derrière cette façade de mise au pas et de rigueur "germanique", la société allemande se "nécrose" (terme utilisé dans le récit), les liens entre politiciens, membres des SS, riches industriels et truands mafieux se resserrent chaque jour un peu plus.

          Dans cet univers propre au dehors et glauque en coulisse, Bernie Gunther, notre privé, lointain cousin de Philip Marlowe, avance avec une tenacité, une insolence et un humour qui sont les signes extérieurs d'une vision désabusée qu'il porte sur la société de son époque.

          Quant à la plume de l'auteur, elle manie bien souvent la comparaison inattendue, savoureuse et percutante: "La bouche de Red était plantée de guingois, comme si elle mâchonnait un cigare invisible [...] Quant à son sourire, c'était un mélange de pré-maya et de gothique tardif." 

          J'attends la suite de la trilogie avec impatience! 

 

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12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 17:16

          Shanghai          Il y a des années et de façon prémonitoire , un écrivain français titrait l'un de ses ouvrages "Quand la Chine s'éveillera" en écho à la prophétie de Napoléon Ier ("Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera").

          Je reviens de Shanghai, la capitale économique de la Chine et c'est peu de dire que la Chine n'est plus une belle endormie. Certes, Shanghai n'est que la pointe visible de l'immense iceberg chinois: l'inépuisable réservoir de pauvreté et de sous-développement des campagnes profondes est loin de profiter des fastueuses boutiques qui font de cette ville une réplique des grandes agglomérations occidentales. Néanmoins, l'énergie et l'esprit de conquête qui se dégagent des rues, des gens et des mille tours, aussi lumineuses dans la nuit que les lumières d'un grand paquebot, donnent un aperçu de la puissance en marche d'un pays si longtemps absent de l'histoire du monde.

          Shanghai est une ville tentaculaire (l'autoroute qui mène de l'aéroport international de Pudong jusqu'au centre ville est entièrement sur "pilotis", par dessus les rues, les maisons, les jardins!), propre et ordonnée (du moins le centre urbain que j'ai parcouru) et qui affiche fièrement son dynamisme et sa richesse nouvelle (les voitures de luxe sont légion, les mendiants invisibles). Elle a conservé pieusement les bâtiments "coloniaux" du Bund (centre historique et légendaire, aujourd'hui promenade à touristes le long de la rivière qui traverse la ville) qui font face aux arrogants "buildings" qui sortent de terre comme des champignons après une averse: façon de montrer que, face à un occident en voie de momification, la Chine représente la vraie modernité.

          Cette ville est-elle belle? Je ne saurais le dire. Ce que je peux affirmer, en revanche, c'est qu'elle est bien éveillée!

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27 février 2011 7 27 /02 /février /2011 10:43

          drapeau chilien séisme 2010          Qui se souviendra aujourd'hui qu'il y a déjà un an le Chili était le théâtre d'un terrible tremblement de terre suivi d'un raz de marée sur certaines de ses côtes? Un séisme de plus dans l'histoire ravagée de ce pays du bout du monde, si étroit, si long, si oublié, si magnifique! Ce pays dont le monde entier a découvert l'existence un jour de septembre 1973 à l'occasion d'une de ses plus grandes secousses politiques: le coup d'Etat militaire du général Pinochet.

          Pour qui voudrait se plonger dans cette période troublée et (re)découvrir un pays imprégnée de notre culture (plus encore jadis qu'aujourd'hui où l'influence nord-américaine est trop prégnante), je conseille le livre que je viens d'achever, publié en 2002 chez Plon, écrit à quatre mains par une mère et sa fille, Monica Echeverria et Carmen Castillo,  et intitulé Santiago-Paris, le vol de la mémoire.

          La mère est écrivain, elle vit à Santiago, elle est l'épouse d'un architecte reconnu, Fernando Castillo, qui occupa longtemps des fonctions politiques; la fille a été la compagne de Miguel Henriquez, l'un des leaders du MIR (mouvement d'extrême gauche qui a soutenu Allende puis s'est opposé par les armes au coup d'Etat de Pinochet), lequel sera abattu par la DINA (police politique), elle vit désormais à Paris, écrit et réalise des films qui abordent sans cesse cet épisode central de l'histoire de sa famille et de son pays.

          La plume principale est celle de la mère qui revient sur sa propre histoire, parallèle à celle du Chili, entre les années 30 et le début du XXIème siècle: histoire d'une grande famille bourgeoise, un peu déclassée et qui, peu à peu, abandonne la cause des élites dirigeantes pour soutenir les revendications d'une classe moyenne et populaire plutôt de gauche. Le récit secondaire est celui de la fille, long cri d'abord du refus de revenir sur cette histoire "volée", sur les relations difficiles avec sa mère puis de la souffrance et de la réappropriation de cette histoire autour du jour où tout bascula pour elle, ce jour d'octobre 1974 où son compagnon est abattu par les sbires de Pinochet et où elle-même a failli perdre la vie.

          Le dialogue croisé entre mère et fille donne une perspective plus large à ces années de plomb pour le Chili et les deux récits finissent par se rejoindre dans des "retrouvailles" (le terme "reencuentro" en chilien est beaucoup plus évocateur) qui, à l'échelle familiale, est un écho du long cheminement des chiliens sur la voie de la réconciliation nationale.

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 17:39

           rose          Une fleur, d’aucuns diront la reine des fleurs, a donné son nom à la couleur. Comme elles sont belles les roses de nos jardins lorsque vient l’été et comme elles nous donnent envie de murmurer à quelque belle jeune fille les vers de Pierre de Ronsard :

 

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.

 

          Le rose est la couleur de la féminité, de la douceur, de l’amour et du romantisme. Le cœur est rose comme les tendres ailes de Cupidon. Couleur de la chair aussi et de la sensualité. Combien de corps roses peuplent les peintures de la Renaissance à nos jours en passant par les Impressionnistes (les joues des demoiselles chez Renoir, le corps d'une baigneuse chez Degas...)! Même Picasso a connu une période rose...

          Couleur du plaisir de vivre et du bonheur (nous aimons tous voir la vie en rose), pour les catholiques, le rose marque les moments de joie dans les périodes de jeûn et de carême: le prêtre porte même une chasuble rose ces jours-là. Est-ce la raison qui a poussé Véronèse, dans les Noces de Canaa (exposé au Louvre) à peindre en rose la tunique du Christ et...son auréole?

          D'autres, en des périodes sombres et loin d'être roses, en ont fait un triangle de discrimination et de nos jours, l'on est passé de la sensualité à la sexualité débridée via le Minitel ou le téléphone rose.

          Pour moi, le rose reste la couleur de notre enfance et de nos premiers livres dans la Bibliothèque rose (qui ne publiait pas de romans à l'eau de rose, encore moins les récits mièvres de Barbara Cartland dont la couleur préférée était... le rose).

          N'oublions pas non plus que souvent les flamants mais aussi les éléphants et les panthères peuvent être roses!

          Voici le printemps qui arrive: irons-nous cueillir bientôt une rose dans le jardin pour en orner notre boutonnière?

 

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 19:15

          Dernièrement, le Ministre de la Culture a refusé la publication d'une brochure sur les célébrations nationales en raison de la présence de Céline dans les écrivains commémorés. Un débat vieux comme la littérature est relancé: l'écrivain a-t-il ou non une responsabilité (morale ou autre) dans son temps? Débat entre l'art pour l'art et l'art engagé.

          Sur Céline, je n'ai pas d'opinion très claire car je connais peu son oeuvre (j'ai lu, adolescent, Voyage au bout de la nuit - et sans doute devrais-je le relire!) et mal sa personne: le peu que j'en sais ne m'invite certes pas à l'admiration mais j'en resterai là.

          En revanche, la question de l'écrivain "responsable" me paraît passionnante, universelle et  jamais datée: de l'engagement de Socrate dans les affaires de la cité grecque - qui lui vaudra la mort- aux positions de Sartre sur la littérature engagée, qui affirmait qu'il n'y as pas de "littérature innocente". Au nom de cette responsabilité (pour une cause noble dans les exemples de Socrate et Sartre), on a aussi condamné au bûcher ou à l'infamie des écrivains pour ce qu'ils avaient écrit et, pire encore, pour ce qu'ils étaient (je pense à Oscar Wilde par exemple). Ce débat n'aura jamais de terme, il est au coeur même de l'art et de la vie. Et comme dans la vie, son manichéisme le discrédite et mène aux excès que l'on connaît (autodafé, censure, emprisonnement...).

          Un écrivain peut s'engager dans son siècle, dans les affaires publiques ou morales: c'est son droit et certains jugeront son devoir. Zola, Hugo ou Sarte (pour se limiter à la France) l'ont fait avec éclat: leur oeuvre est en partie le reflet de cet engagement mais pas uniquement. Mais un écrivain doit avoir le droit aussi de ne pas s'engager, comme le revendiquaient les Parnassiens (Baudelaire ou Théophile gauthier), car l'art est un engagement dans la vie qui en vaut d'autres: un chef d'oeuvre est une forme supérieure d'humanité!

          De Gaulle jugeait qu'en littérature, le talent implique une responsabilité comme dans d'autres domaines. En disant cela, il sous-entendait qu'un artiste ne peut pas tout dire: le risque majeur en est la censure, négation même de l'art. La liberté de création, indispensable à la qualité d'une oeuvre, ne peut s'accommoder de cette seule responsabilité. L'auteur est d'abord responsable de sa création, il en est le seul maître et son pouvoir ne va pas au-delà. L'oeuvre elle-même, une fois écrite ou peinte ou sculptée ou jouée, engage d'abord et avant tout le lecteur ou le spectateur.

         

         

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20 février 2011 7 20 /02 /février /2011 17:50

          Le-Discours-d-un-RoiLe bégaiement d'un roi est aussi incongru qu'un coup de pistolet dans un opéra (les « happy fews » amateurs de Stendhal apprécieront!). C'est pourtant le thème qu'a choisi Tom Hooper pour Le discours d'un roi, film magnifique réalisé sur le roi d'Angleterre Georges VI, le père de la reine actuelle, qui était affligé de ce handicap.

          Le film est tour à tour drôle et émouvant, servi par des acteurs admirables (dont Colin Firth dans le rôle du roi) et une musique fort bien choisie: la scène finale du discours, cadencée par le poignant alegretto de la Septième Symphonie de Beethoven est digne d'admiration.

          Le film tourne autour de la relation entre le futur roi (il ne l'est pas lorsque le film s'ouvre) et un « orthophoniste » aux méthodes peu orthodoxes, Lionel Logue; relation faite d'affrontements, de hauts et de bas, d'une certaine forme de complicité (faites excuses Votre Majesté!) et qui mènera au succès du discours final, discours si important pour le nouveau roi (son frère, Edouard VIII, vient d'abdiquer pour pouvoir épouser la roturière et deux fois divorcée Wallis Simpson) puisqu'il annonce au peuple anglais l'entrée en guerre de leur nation contre l'Allemagne en 1939.

          La relation entre Georges VI, Bertie, et son thérapeute est un long combat à deux pour surmonter un obstacle a priori insurmontable: elle symbolise aussi la grande épreuve de la guerre qui attend désormais le roi et son peuple.

          Vox regis, vox dei.

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 17:16

          19Louvre          En passant sous la Pyramide, je vois le ciel enfin bleuté et illuminé d'un pâle soleil de fin d'hiver. Dommage de s'enfoncer dans les longs et parfois sombres couloirs du Louvre le seul jour de la semaine où la grisaille a oublié son rendez-vous avec la ville! Mais "le plus grand musée du monde" vaut tous les sacrifices... et ce n'est assurément pas la foule cosmopolite qui se hâte vers les oeuvres, audioguide vissé à l'oreille, qui osera me démentir.

          J'aime et je n'aime pas les musées en général, et le Louvre en particulier.

          J'aime les musées pour la part de notre passé qu'ils nous révèlent et nous cachent à la fois, dans le mystère singulier de chaque oeuvre que l'on admire et dont, au fond, on ignore presque tout (malgré les audioguides!). J'aime les musées pour la beauté souvent insolente de leurs plafonds ou de leurs escaliers (ah! l'extraordinaire escalier Henri II du Louvre). J'aime les musées pour leurs salles reculées où, sous l'oeil blasé et malgré tout attentif d'un gardien avachi sur une chaise tout à fait anachronique, l'on peut rester plusieurs minutes (je n'irai tout de même pas jusqu'à dire des heures) devant un tableau sans devoir interrompre le dialogue silencieux qui se tisse peu à peu, à travers le temps, avec le peintre à cause de l'arrivée bruyante, intempestive et "audioguidée" d'un groupe de touristes. J'aime les musées pour la (re)découverte permanente de ces petits détails devant lesquels on est passé mille fois sans les remarquer: par exemple, la tunique rose et surtout l'auréole rose du Christ au centre des Noces de Canaa de Véronèse qui ont attiré mon attention lors de cette promenade de fin d'hiver.

          Je n'aime pas les musées pour toutes les raisons contraires. Et je n'aime pas le Louvre pour la foule hystérique devant La Joconde, sombre petit tableau, caché derrière sa vitre blindée et qui nargue les visiteurs de son sourire figé tandis que La Vierge, l'Enfant Jésus et Sainte Anne, du même Vinci, expose sa suprême beauté sans attirer le moindre regard (là, je suis un peu excessif!). Je n'aime pas les musées parce qu'une heure à piétiner devant les plus grands chefs-d'oeuvre de la création fatigue bien davantage qu'une marche de trois en forêt où l'on croise aussi quelques unes des plus belles oeuvres de ce monde.

          Tout de même, en ressortant ce jour-là de ma petite balade au Louvre, en cette belle fin de journée d'hiver, je songeais que j'avais toutes les meilleures raisons d'aimer les musées, ne serait-ce que pour le bonheur d'avoir revu Le philosophe en méditation de Rembrandt ou L'astronome de Vermeer.

 

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Quatrième De Couverture

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  • : Blog sur lequel sont publiées des oeuvres de l'auteur (sous forme de feuilleton) ainsi que des articles sur les livres qui comptent pour l'auteur. L'envie de partager l'amour de lire et d'écrire.
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Parole d'auteur

"... je connaissais l'histoire de dizaines d'écrivains qui essayaient d'accomplir leur travail malgré les innombrables distractions du monde et les obstacles dressés par leurs propres vices."

 

Jim Harrisson in Une Odyssée américaine

 

"Assez curieusement, on ne peut pas lire un livre, on ne peut que le relire. Un bon lecteur, un lecteur actif et créateur est un relecteur."

 

    Vladimir Nabokov in Littératures

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