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1 décembre 2011 4 01 /12 /décembre /2011 20:57

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« Vous voulez un petit coup de main ? »

Christophe Jamin se retourna et aperçut, dans l’entrebâillement de la porte, une jolie robe bleue. Il se releva tout à fait et découvrit de belles jambes à la peau mordorée et, en levant enfin les yeux, le visage souriant d’une jeune femme particulièrement séduisante.

« Euh… bonjour, bredouilla-t-il quelque peu impressionné par cette apparition, je suis le nouveau locataire, voilà…

- Ah ! Je suis rassurée alors, vous n’êtes pas un cambrioleur comme je le croyais, répondit la jeune femme d’un air très sérieux. »

Devant l’expression consternée du jeune homme, elle éclata d’un long rire sonore qui résonna dans l’appartement encore à moitié vide.

« Veuillez me pardonner, je plaisantais. J’habite au troisième étage, je m’appelle Lucille d’Albret et je suis enchantée de faire votre connaissance.

- Oh ! Oui, bien sûr, pardon ! Très drôle votre… enfin, je veux dire… Mais excusez-moi, entrez donc, s’il vous plaît ! Voilà… moi, mon nom c’est Christophe… Christophe Jamin. »

Il recula brusquement pour laisser rentrer la jeune femme et ne s’aperçut que bien trop tard qu’il mettait le pied dans le seau rempli de détergent qu’il utilisait pour nettoyer les plinthes de son nouveau logement. La chute fut spectaculaire : le seau fut projeté par une fenêtre ouverte, son contenu arrosa copieusement la jolie robe bleue de la jeune femme et Christophe Jamin s’écroula lourdement sur un carton qui, au bruit qu’il fit, devait contenir de la vaisselle. Il y eut un instant de silence après la cacophonie provoquée par cet accident comme si chacun se donnait le temps de rapidement évaluer les dégâts. Puis la jeune femme se précipita vers son nouveau voisin en pataugeant dangereusement dans la lessive :

« Comme je suis désolée de vous avoir dérangé ! Vous êtes-vous fait mal ?

- Non, non, ce n’est rien, gémit Christophe Jamin en essayant de se relever le plus dignement possible. Mais c’est moi qui… enfin c’est à vous qu’il faut demander…Mon dieu, votre robe… »

Il ne pouvait détacher son regard de la robe mouillée qui, de ce fait, moulait entièrement la jeune femme comme si elle sortait d’une piscine où elle aurait plongé tout habillée. En rougissant, il s’aperçut qu’elle ne portait pas de soutien-gorge et que ses deux petits seins se découpaient fort plaisamment sur le bleu détrempé. Ce furent sans doute les yeux gourmands de Christophe Jamin qui poussèrent Lucille d’Albret à enfin s’apercevoir qu’elle venait de recevoir un plein seau d’eau sur ses vêtements.

« Oh ! Ne vous inquiétez pas pour cela, dit-elle en rougissant, je cours me changer et nous reprendrons après notre petite conversation. Vous êtes sûr que tout va bien, rajouta-t-elle avant de sortir en voyant l’air béat du jeune homme 

- Comment ? Ah oui ! Enfin, ça va… »

Mais elle avait déjà disparu.

 

C’est donc ainsi que Christophe Jamin fit la connaissance de Lucille d’Albret, la jeune femme que Daphné Dulaurier venait de retrouver morte au fond du local à ordures d’un gentil et élégant immeuble qui dominait le front de mer d’une station balnéaire, quelque part sur la côte. C’était le jour de son emménagement dans l’immeuble. Le matin, une petite armée de types très costauds n’avait fait qu’une bouchée des quelques meubles qu’il possédait en les disposant un peu au hasard des trois pièces que comptait l’appartement car il n’avait pas lui-même les idées très claires sur la disposition qui conviendrait le mieux à ses nouveaux pénates. Puis il s’était retrouvé seul face à tous ses cartons et il lui avait fallu au moins deux bonnes heures avant de se décider à commencer le nettoyage de l’appartement. Il venait de s’y mettre lorsque Lucille d’Albret avait surgi.

Changer de vêtements constituait déjà pour Christophe Jamin une épreuve presque insurmontable. Quitter son ancien logement, destiné à la démolition par un propriétaire avide de profits, avait pris l’ampleur d’un séisme majeur. Au lieu de s’organiser plusieurs mois à l’avance pour chercher un nouvel appartement, il avait attendu la dernière semaine et au lieu de parcourir les annonces ou courir les agences immobilières, il avait appelé le numéro de téléphone qui apparaissait sur une discrète pancarte, accrochée au balcon d’un immeuble de bonne facture devant lequel il passait chaque jour pour se rendre à son travail. Il l’avait visité une seule fois, presque en courant, n’avait même pas discuter le prix pourtant notoirement excessif et avait dû se faire violence pour se rendre à l’agence de location signer le bail. La seule idée du déménagement l’empêcha de dormir au moins une dizaine de nuits avant le jour de l’emménagement.

Christophe Jamin n’était certes pas un garçon compliqué mais le monde lui semblait compliqué et changer d’appartement représentait à ses yeux une sorte de comble dans la complication. Après avoir passé des soirées entières à faire et défaire ses cartons car il lui semblait toujours qu’il ne parviendrait jamais à trouver le bon ordre de rangement, celui qui lui permettrait de perdre le moins de temps possible à retrouver toutes ses affaires dans les jours qui suivraient le déménagement, ce ne fut que la veille de l’arrivée des déménageurs qu’il s’était finalement résolu à tout empaqueter pêle-mêle.

Il se retrouvait maintenant dans son nouveau logement, avec des meubles dispersés un peu au hasard des pièces et des dizaines de cartons anonymes remplis de centaines d’objets qu’il lui faudrait sans doute chercher dans une véritable chasse au trésor qui le décourageait avant même de s’y lancer. Un carton, d’ailleurs, n’aurait plus à être ouvert puisqu’il venait de l’écraser de tout son poids : dans les décombres, on distinguait des morceaux de porcelaine blanche et rose (peut-être le service de thé que sa grand-mère lui avait si généreusement laissé et qu’il ne sortait jamais de peur d’un briser une tasse) mêlés à du verre pilé dans une sorte de composition artistique d’avant garde.

En attendant le retour de Lucille d’Albret, il avait péniblement épongé les innombrables flaques de lessive qui portaient témoignage de sa malencontreuse chute. Puis il s’était précipité dans la salle de bain avec l’espoir chimérique de redonner un peu de brillant à sa tenue. Dans le miroir qu’il n’avait pas encore nettoyé, il aperçut son reflet à travers les chiures de mouches et des traces de doigts sales. Ses cheveux ébouriffés laissaient de longues traînées blondes sur son front et il distinguait à peine ses yeux bleus derrière ses lunettes de myope qui n’étaient guère plus propres que le miroir de la salle de bain. Il s’apprêtait à fouiller dans un des cartons où il croyait se souvenir d’avoir mis ses affaires de toilette lorsqu’il entendit la voix grave de Lucille d’Albret quelque part dans l’appartement. Il se précipita. Elle avait pris une éponge et réclamait du détergent. Elle avait troqué sa robe bleue pour un jean moulant et un débardeur blanc qui dévoilait des épaules musclées et bronzées. Ses longs cheveux bruns étaient remontés sur sa nuque en une sorte de chignon hâtif d’où quelques mèches rebelles s’échappaient en une composition que Christophe jugea presque artistique. Elle le regarda en riant et il éprouva comme un ébranlement de tout le corps : il pensa un peu bêtement qu’il était peut-être en train de tomber amoureux de cette inconnue. Cela faisait si longtemps d’ailleurs qu’il n’était plus trop sûr de savoir ce que signifiait « tomber amoureux ». Mais il n’eut pas le temps d’y songer vraiment car d’un ton presque autoritaire, Lucille entreprit de mettre de l’ordre dans son nouvel appartement.

Ils passèrent le samedi et le dimanche ensemble, à nettoyer, déballer, ranger, pousser des meubles, nettoyer encore, briser un verre ou deux, accrocher les deux ou trois tableaux qui constituaient l’unique richesse de Christophe. Il apprit qu’elle vivait au troisième, porte de droite, avec un garçon, un dénommé Bertrand qui voyageait énormément pour son travail (Dans quoi travaillait-il d’ailleurs ? Il était consultant. Qu’est-ce que pouvait bien faire un consultant, se demandait Christophe qui ne s’était jamais intéressé à autre chose qu’aux plantes et qu’à l’art de dessiner des jardins ?) D’ailleurs Bertrand était en Asie depuis plusieurs jours et ne rentrerait que lundi :

« Tu vois, j’ai donc tout le temps de t’aider. Ca me fait plaisir et en plus, ça m’occupe ! »

Elle avait dit cela avec une franchise qui paraissait inconcevable à Christophe mais qui néanmoins lui plaisait énormément. Et ce fut elle aussi qui commença à le tutoyer alors qu’ils ne se connaissaient pas depuis plus d’une heure. Christophe n’avait pas l’habitude de franchir aussi vite les barrières que la vie sociale s’amuse à mettre entre les individus. Lucille d’Albret, aussi, avait un travail, dans une grande banque, et il arrivait assez bien, cette fois, à l’imaginer assise derrière un guichet (il allait parfois déposer des chèques à la banque), ses cheveux sagement peignés et le visage empreint d’une gravité attentive, en train de compter les billets qu’elle allait remettre à un vieux monsieur venu retirer de l’argent.

C’est un fait qu’au bout de ces deux jours de rangement en commun, ils avaient appris pas mal de choses l’un sur l’autre et que certaines affinités semblaient vouloir les rapprocher. Elle lui avait aussi fait découvrir un peu le quartier, cela leur permettait de se détendre un peu car la remise en état d’un appartement, à la suite d’un emménagement, n’est pas de tout repos. Ils marchaient tranquillement côte à côte, leurs épaules parfois se frôlaient et il n’était pas rare qu’elle lui prît familièrement le bras pour attirer son attention sur quelque curiosité, une bonne adresse à retenir, un jardin si bien fleuri ou un petit parc où il faisait bon venir se promener.

Cette familiarité grandissante entre eux provoquait de l’étonnement chez Christophe mais il s’abandonnait avec délice à cette manière si particulière qu’avait Lucille de lier connaissance. Par instant, il se demandait quand même si elle agissait de la sorte avec toutes les personnes qu’elle rencontrait et il n’osait même pas penser qu’il pouvait être à l’origine de cette attitude. Il n’avait jamais eu beaucoup de succès avec les femmes, non pas qu’il se considérât comme particulièrement laid ou peu attirant, mais sa timidité et une certaine gaucherie ne l’aidaient guère dans ses entreprises de séduction. Et puis conquérir une femme, cela nécessitait un énorme effort de sa part, cela impliquait de bouleverser ses habitudes et Christophe Jamin, décidément, avait horreur du changement.

Or, avec Lucille, Christophe n’avait pas à faire le moindre effort. Il n’avait qu’à se laisser guider par la jeune femme. Il trouvait cela plutôt agréable. Aussi, après ces deux jours passés à travailler, discuter et se promener ensemble, il avait une intimité avec Lucille comme il n’en avait jamais connu avec d’autres femmes. A tel point que, le dimanche soir, lorsque la dernière tasse accompagnée de la dernière soucoupe de ce qui restait du service à thé hérité de sa grand-mère eut rejoint sa place dans un des placards de la cuisine, Christophe ne fut guère étonné de la proposition que lui fit Lucille au moment où il pensait qu’ils allaient se dire bonsoir :

« Tu sais, Christophe, je ne me sens guère le courage de me retrouver toute seule dans mon appartement, là-haut. Ce week-end fut tellement…comment dirais-je ?

- Agréable, osa-t-il d’une voix tremblante ?

- Particulièrement agréable, vint-elle lui murmurer à l’oreille tandis qu’elle déposait doucement ses lèvres sur sa bouche ébahie. »

Christophe Jamin n’avait pas seulement de la difficulté à changer ses habitudes mais toute décision, en quelque matière que ce soit, lui coûtait énormément et le plus souvent, il laissait le hasard des événements faire les choses à sa place. Aussi n’eut-il même pas la force de protester un tant soit peu lorsque la jeune femme entreprit de défaire sa chemise. Lucille d’Albret, ce soir-là, ne remonta pas passer la nuit au troisième. Sa dernière nuit somme toute.

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29 novembre 2011 2 29 /11 /novembre /2011 21:34

pile de livres          Comment ne pas apprécier un livre qui commence sur ces deux phrases courtes et décisives: "Je pourrais peut-être vivre sans écrire. Je ne crois pas que je pourrais vivre sans lire"? Alberto Manguel, écrivain né argentin et devenu canadien, énonce donc le fond de sa pensée dès le début de son essai Une histoire de la lecture.

          L'ouvrage est un hymne fervent, sensuel et convaincant au livre, à ses yeux (et aux nôtres bien sûr) en quelque sorte la plus noble création de l'homme. Tout au long des âges de l'humanité, s'écrit devant nous l'histoire d'un objet d'exception, d'un objet de plaisir et de science, d'un objet rare d'abord, abondant ensuite, d'un objet d'élite jadis, de masse aujourd'hui, d'un objet adoré des clercs, brûlé par les tyrans, d'un objet public et si intime pourtant.

          C'est l'épopée du livre qui nous est contée, c'est aussi la magnifique relation de l'homme à cet objet que l'on appelle la lecture, qu'elle soit silencieuse ou à haute voix, publique ou privée, c'est enfin l'histoire multiple et infinie des lecteurs que nous sommes tous qui est retracée, "leurs gestes, leur savoir-faire, le plaisir, la responsabilité et le pouvoir que leur procure la lecture...".

          Un livre obligatoire pour tous ceux qui ont oublié ce que lire veut dire et même pour "nous, lecteurs d'aujourd'hui, que l'on dit menacés d'extinction, nous [qui] avons encore à apprendre ce que c'est que de lire". Un livre à mettre entre toutes les mains, surtout celles de nos enfants pour qu'ils ressentent un jour la même joie que celle que nous avons un jour éprouvée à la lecture d'un livre favori et qu'Alberto Manguel nous fait si bien revivre: "Je ne crois pas pouvoir le rappeler joie plus grande, plus complète, que celle d'arriver aux quelques dernières pages et de poser le livre, afin que la fin ne se produise pas avant le lendemain, et de me renfoncer sur l'oreiller avec le sentiment d'avoir bel et bien arrêter le temps". 

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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 17:35

          Après Sous les reflets de la rivière, voici une nouvelle publication sous forme de feuilleton. C'est une sorte de longue nouvelle, écrite en 2008, et qui se rattache au genre, si vaste, si varié, si répandu aujourd'hui, de la littérature policière, au genre du "polar"pour faire plus court, tout en s'en tenant à une certaine distance.

 

*** 

 

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La mort n’est jamais drôle mais elle est parfois grotesque.

Voilà sans doute la réflexion qui aurait pu venir à l’esprit de Daphné Dulaurier si elle avait eu le temps de s’y préparer ou même si elle avait eu davantage l’expérience de ce genre de rencontre désagréable. Mais Daphné avait eu une vie très sage et n’avait jamais croisé de cadavre sur sa route, du moins aucun dans cette situation. Elle se souvenait à peine de sa mère qu’elle avait perdue avant ses dix ans : on ne lui avait d’ailleurs pas permis d’approcher du corps de la défunte car, lui avait murmuré sa grand-mère, ce n’était pas un endroit pour une petite-fille. Et lorsque son père s’était éteint de sa belle mort, dans sa quatre-vingt quinzième année, son visage parcheminé respirait tant la sagesse et la béatitude que Daphné lui avait trouvé l’air plus agréable que de son vivant.

Ce matin-là d’automne, elle n’eut décidément pas l’occasion ni l’envie de se livrer à des réflexions philosophiques sur la mort. Elle se contenta d’abord de laisser tomber le sac poubelle qu’elle tenait entre ses doigts chargés de bagues puis d’ouvrir et de refermer aussitôt la bouche dans un petit claquement sec qu’un esprit porté à l’humour, pourtant guère de circonstance en la matière, aurait assimilé au bruit d’un bon vin que l’on débouche avec doigté. Cependant, et malgré le spectacle fort désagréable qui venait de la surprendre dans le local des poubelles, d’habitude si calme et si peu surprenant, elle ne parvint pas d’emblée à hurler. Non pas qu’elle ait immédiatement repris son calme, sinon elle aurait pu se livrer aisément à la petite réflexion sur la mort déjà mentionnée. Si elle ne cria pas tout de suite, ce fut plutôt en raison d’un curieux phénomène qui s’opéra en elle : elle sentit que des dizaines, des centaines peut-être, d’idées et de sentiments contradictoires s’agitaient vainement en elle mais se trouvaient momentanément bloqués un peu en dessous de sa gorge, de la même façon que, très souvent, une des gouttières de l’immeuble où vivait Daphné s’obstruait brutalement lorsque les premières pluies un peu abondantes de l’automne forçaient toutes les feuilles mortes accumulées sur le toit à se bousculer au même moment dans l’étroite issue.

Daphné, qui approchait désormais des soixante-dix ans, n’était pourtant pas d’ordinaire une personne à qui les mots manquaient. Ses voisins, polis comme on est censé l’être entre voisins, auraient dit qu’elle avait la parole facile et son mari, aussi sincère que peut l’être un époux attentionné, n’aurait pas hésité à rétorquer qu’elle était un vrai moulin à paroles. Daphné elle-même reconnaissait qu’elle était parfois un peu bavarde mais elle s’empressait d’ajouter aussitôt : « Certainement pas autant que ces gens qui ne vous en laissent pas placer une ! » Mieux valait alors ne pas demander son avis à M. Dulaurier. Mais il est des circonstances dans la vie où l’on reste bouche bée quelles que soient les qualités oratoires dont on peut être coutumier par ailleurs : Daphné en faisait la soudaine et étonnante expérience en ce matin gris d’automne, au beau milieu du petit local à ordures de son immeuble cossu tandis qu’elle fixait avec égarement le visage violacé de Lucille d’Albret qui avait jailli de la haute poubelle grise, comme un vilain diable au ressort cassé, juste au moment où la vieille dame en ouvrait le couvercle.

Les mots, la voix même, lui manquaient mais elle restait, dans toutes les situations, une personne méticuleuse : elle ramassa son sac de déchets et tout en gardant les yeux fixés sur le cadavre qu’elle venait de faire surgir de sa boîte, elle s’approcha doucement de la seconde poubelle et en ouvrit précautionneusement le battant. Son regard quitta un instant le visage congestionné de Lucille d’Albret pour jeter un vif coup d’œil dans le conteneur : elle fut presque déçue de voir qu’il était vide. Doucement, elle fit glisser son sac à l’intérieur tout en maintenant sa vigilance à l’égard de la morte comme si elle n’écartait pas la possibilité de voir cette dernière lui saisir brusquement le bras pour l’empêcher de se débarrasser de son paquet. Elle sentait maintenant refluer tous les sentiments contradictoires qui l’avaient empêchée de hurler. Simplement, elle n’en avait plus envie car un étrange calme l’avait envahi. Et ce fut presque avec un certain amusement qu’elle se rendit compte que sa main droite s’était lentement approchée du visage tuméfié de Lucille d’Albret et que ses doigts étaient en train de relever délicatement une mèche de cheveux bruns qui tombait sur le front de la jeune femme. Des yeux exorbités la fixèrent alors de ce regard accusateur et effrayant des gens qui sont morts dans la violence.

Cette fois, les mille sentiments contradictoires n’eurent pas le temps de se rassembler au fond de sa gorge et elle hurla. Pendant un moment, elle eut l’impression qu’il y avait quelqu’un d’autre qui criait à ses côtés, tant ses hurlements rebondissaient de toutes parts dans le local exigu. Comme les cheveux qu’elle venait d’écarter retombaient peu à peu sur le visage de Lucille, elle crut que cette dernière se redressait. C’en fut trop pour Daphné qui croyait pourtant avoir toujours été une personne très courageuse (elle traversait même assez régulièrement les rues hors des passages piétons) : dans ce moment de grande confusion, elle retrouva une vivacité presque oubliée pour courir hors du local poubelle et s’engouffrer dans le hall de l’immeuble en continuant à crier à pleins poumons.

Curieusement, elle ne rentra pas dans l’appartement qu’elle occupait avec son mari au rez-de-chaussée et dont elle avait laissé la porte entrebâillée. Laisser la porte ouverte n’était évidemment pas un oubli de sa part : elle agissait toujours de la sorte lorsqu’elle allait jeter son sac poubelle car ça n’était toujours qu’une question de quelques secondes, le temps d’aller et venir. Il n’y avait vraiment aucun risque. Et ce matin-là, il n’y avait évidemment aucun signe avant coureur qui aurait pu lui faire penser qu’il en irait autrement. Elle aurait donc dû se précipiter dans son appartement et refermer la porte derrière elle aussi vite que possible. Pourtant elle n’en fit rien et resta à crier au bas de l’escalier qui menait aux étages, derrière la porte d’entrée de l’immeuble. Ses cris résonnaient étrangement dans le hall comme une sirène d’alarme mais avec une tonalité moins métallique.

Une main, soudain, lui saisit fermement l’épaule gauche tandis qu’une autre main lui couvrit la bouche. Elle cessa de crier avec la sensation d’étouffer sous la force de cette paume qui lui écrasait les lèvres. Cette fois, elle crut que son cœur s’arrêtait de battre. Ainsi le cadavre de Lucille avait-il réussi à sortir de la poubelle et l’avait rattrapée : qu’allait-il lui arriver ? Quelle punition allait-il lui infliger ? Daphné était sur le point de défaillir quand les deux mains la relâchèrent brutalement et la firent tourner sur elle-même. Elle se retrouva soudain face à Auguste Dulaurier, son mari, qui la regardait avec les sourcils froncés :

« Es-tu devenue folle, Daphné ? Qu’est-ce que ça veut dire de crier comme ça ?

- Ah ! Auguste, c’est toi ! Tu m’as fait une de ces peurs !

- On dirait que tu viens de voir un revenant !

- C’est à peu près ça, mon pauvre… c’est même vraiment ça…

- Mais qu’est-ce que tu racontes ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Ca n’a vraiment pas l’air d’aller. Viens, rentrons. Il faut que tu t’assoies.

- Ah ! je t’en prie, cesse de me traiter comme une enfant ! Je me sens très bien et je n’ai certainement pas envie de m’asseoir après ce que je viens de voir ! »

Malgré tout, Auguste avait pris Daphné par les épaules et la poussait tranquillement vers la porte de leur appartement. Mais au moment de franchir le seuil, elle se rebella :

« Laisse-moi donc tranquille, vieux fou, et viens plutôt avec moi ! »

Cette fois, elle avait retrouvé tous ses esprits et elle sentait un calme étrange lui dicter sa conduite.

« Mais enfin, vas-tu m’expliquer ce qui se passe ? Et qu’as-tu donc vu de si étrange pour que ça te mette dans des états pareils ?

- Voilà ce que j’ai vu, répondit Daphné, la voix malgré tout encore peu assurée, tandis qu’ils entraient dans le local poubelles. 

- Si c’est pour me montrer les poubelles… »

Auguste Dulaurier se figea sur le seuil du petit local et n’acheva pas sa phrase. Son bras droit enserra un peu plus les épaules de sa femme comme s’il voulait la protéger de ce spectacle insupportable qu’elle avait découvert bien avant lui. Il n’eut pas envie de crier mais il eut la conscience très claire de sentir littéralement ses cheveux, qu’il avait encore très bruns parce qu’il se les teignait, se dresser sur la tête. En même temps qu’au creux de l’estomac, la peur se répandait comme un ulcère fulgurant.

« Lucille ! »

Ce fut le seul mot qu’il parvint à articuler tandis que Daphné songeait que le corps désarticulé qui émergeait de la poubelle n’avait heureusement pas changé de place. Les cheveux bruns de la jeune femme cachaient à nouveau ses yeux et c’était surtout les lèvres que l’on remarquait, tordues en une sorte de rictus qui n’était pas loin d’exprimer de la joie. Tandis que son mari ne parvenait toujours pas à parler, Daphné remarqua soudain quelque chose qui n’avait pas attiré son attention jusqu’à présent. Au moment où elle allait s’approcher du corps immobile pour vérifier ce détail, Auguste se ressaisit et la tira par le bras :

« Ne restons pas là, voyons ! Il faut immédiatement prévenir la police et puis… un médecin ! Elle n’est peut-être pas…

- Si tu veux mon avis, coupa Daphné en suivant néanmoins son époux, le médecin, ce sera plutôt pour un constat de décès ! »

Au-dessus de la courette qu’ils traversèrent pour regagner le hall de l’immeuble, un grand vent d’automne balayait le ciel emportant avec lui les derniers restes d’un été qui, cette année, avait été splendide. Sur le toit, une mouette ricanait.

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19 novembre 2011 6 19 /11 /novembre /2011 17:02

Spooner          Il y a dans les lettres américaines contemporaines, si foisonnantes et si fascinantes (voilà sans doute la remarque typique d'un européen à la fois fasciné et agacé par les reflets du (faux) mythe américain sans cesse renouvelé), il y a donc une sorte de petit refrain familier que l'on écoute en sourdine d'un récit à l'autre, une façon si particulière de raconter, sur un ton tour à tour grave et drôle, l'histoire de mecs normaux pas tout à fait si normaux que cela. Et c'est le cas du roman de Pete Dexter, intitulé Spooner, du nom de son héros ordinaire à la vie presque peu ordinaire.

          Car le Spooner en question a déjà beaucoup de mal à naître - tiens, cela rappelle Le monde selon Garp de J. Irving et plus généralement une façon toute américaine de commencer un roman, un rappel peut-être inconscient et collectif à l'enfantement douloureux de l'indépendance des Etats-Unis et à la conquête de l'Ouest. Et voilà que cettee venue au monde un peu laborieuse, sorte de faute originelle, fait de Spooner un gamin presque ordinaire mais capable à quatre ans de s'introduire chez les voisins et... de pisser dans une paire de chaussures qu'il glisse ensuite dans le réfrigérateur. La suite de son enfance et de sa vie d'homme est du même acabit.

          Et bien sûr, Spooner devient écrivain: que peut donc faire d'autre un américain presque normal de nos jours? Autour de Spooner, d'ailleurs, d'autres personnages, presque aussi ordinaires que lui, font aussi la joie du lecteur, comme par exemple son beau-père, son ange gardien, Calmer, ex-amiral chassé de la marine et devenu d'abord papa-poule de Spooner puis professeur de lettres; ou ses frères tous plus ou moins surdoués et donc quelque peu "bizarres".

           Le portrait entraînant et intime d'une Amérique très américaine (il faut pouvoir situé sur une carte le Dakota du Sud!), très ordinaire mais, somme toute, un peu à la dérive désormais.

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12 novembre 2011 6 12 /11 /novembre /2011 09:01

17Colmar          Une seule bougie et quelques fleurs, voilà un anniversaire que l'on a encore envie de fêter! Car ensuite... Cette aventure du blog se poursuit, elle est plaisante, je ne sais pas si elle plaît car les commentaires ne sont pas encore légion. Comme toute entreprise, il faut du temps pour façonner l'ouvrage et rencontrer ses premières réussites. Rendez-vous dans un an peut-être, pour une seconde bougie...

          En guise de cadeau d'anniversaire, un film qui fête, lui, ses quarante ans; un film vainqueur d'un Ours d'or à Berlin et de l'Oscar du Meilleur film étranger en 1972; un film qui met un scène un roman dont j'ai rendu compte dans ce blog il y a quelques mois; un film extraordinairement poétique et esthétique, réalisé par Vittorio de Sica: Le jardin des Finzi Contini.

          Lorsque je relis l'article sur le roman de Giorgio Bassani, tout ce qui est dit, je le retrouve intact dans le film et notamment la présence si magique de cet immense jardin au coeur de la ville italienne de Ferrara, sorte d'Eden suspendu dans le temps, lieu du bonheur éphémère de l'enfance, de l'insouciance, préservé seulement pour un temps de la montée des périls. C'est d'ailleurs la différence majeure entre le livre et le film: chez De Sica, le fascisme est davantage présent, me semble-t-il, davantage montré que dans le livre.

          Quoi qu'il en soit de leurs différences, le roman comme le film sont deux chefs d'oeuvre dignes d'être offerts en présents d'anniversaire!

 

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11 novembre 2011 5 11 /11 /novembre /2011 17:08

porte-du-soleil          Il y a des années de cela, j'ai découvert la beauté minérale du site archéologique de Tiahuanaco en Bolivie et voilà qu'au hasard d'une déambulation dans une librairie de Valencia, en Espagne, je mets la main sur un roman de Matilde Asensi, El origen perdido (je ne sais pas si le roman est traduit en français) qui me replonge au coeur de cette culture pré inca et dont il reste aujourd'hui les pierres colossales de Tiahuanaco, sur les bords du lac Titicaca, et la langue aymara encore parlée de nos jours par près de deux millions de boliviens, péruviens et chiliens.

          L'intrigue est simple, assez conventionnelle et digne d'un film de la série des Indiana Jones ou des aventures de Tintin: un jeune archéologue de Barcelone, qui travaille sur le langage aymara, est victime d'une malédiction qui le laisse presque mort; son frère, hacker de profession, accompagné de deux autres hackers et d'une archéologue spécialiste de la culture de Tiahuanaco, part en Bolivie à la recherche d'un monde perdu, au milieu d'une jungle inaccessible, dans l'espoir de trouver l'antidote à la malédiction.

          Je me laisse porter par le récit, d'abord lent puis qui devient passionnant lorsque l'auteur aborde l'histoire de cette civilisation pré colombienne et qui se déroule ensuite au rythme classique d'une exploration dans l'espace (une jungle impénétrable, mystérieuses et pleine de pièges) et le temps (une pyramide, des sarcophages, de l'or à profusion et les lointains descendants d'une civilisation engloutie par la conquête espagnole...). Au-delà du récit certes prenant mais somme toute trés conventionnel, des personnages assez stéréotypés et d'une certaine naïveté de ton, l'idée du pouvoir du langage, souvent mise en parallèle avec la programmation codée en informatique, donne une certaine unité au roman.

          Et pour qui a, jadis, mis ses pas dans ceux des anciens maîtres de Tiahuanaco, à l'ombre de la Porte du Soleil ou au pied du Temple de Kalasasaya, le récit de Matilde Asensi ouvre le chemin qui mène à la recherche d'un temps perdu.

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6 novembre 2011 7 06 /11 /novembre /2011 19:12

gatsby-le-magnifique          En revoyant The Great Gatsby, le film réalisé en 1974 par Jack Clayton, je mesure combien le roman de Scott Fitzgerald s'ancre pour toujours dans notre imaginaire américain. La figure de Robert Redford demeure à tout jamais l'incarnation la plus véritable de Gatsby, plus authentique que n'importe laquelle de celles qui pourraient nous venir à l'esprit en lisant le roman de Fitzgerald. Tout comme James Dean restera éternellement le vrai héros d'A l'est d'Eden.

          Le film reprend aussi avec bonheur toutes les couleurs de la frénésie de jouissance d'une certaine société américaine de l'après première guerre mondiale, années folles baignées de charleston, vrombissantes de grosses cylindrées, habillées de fourreaux de soie ou de satin, peignées à la garçonne et scintillantes de cynisme.

          Il y a surtout, dans les yeux bleus de Gatsby-Redford, l'espoir si naïf, si humain, de mettre entre parenthèses le temps passé, de faire revivre ce si bel amour de jeunesse pour Daisy Buchanan. La splendeur de Gatsby, ce qui le rend si magnifique, ce ne sont ni ses fêtes, ni sa richesse trouble mais sa faiblesse d'homme éperduement amoureux: sentiment si magnifiquement rendu dans une des dernière scènes du film lorsque Gatsby-Redford, flottant au milieu de son admirable piscine, se retourne à demi, plusieurs fois, dans l'attente si humble de Daisy. En cette merveilleuse après-midi ensoleillée, seule la mort viendra.

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30 octobre 2011 7 30 /10 /octobre /2011 10:49

la couleur des sentiments          On pouvait s'attendre au pire avec le sujet du roman de Kathryn Stockett, La couleur des sentiments. Qui dit d'ailleurs que le pire n'est pas à venir avec le film qui sort en ce moment sur nos écrans et dont j'entends dire qu'il est assez mélodramatique (à suivre...)? Mais le livre, lui,  est tout sauf manichéen.

          Picture (comme disent les américains): 1962, le Sud (avec majuscule!) des Etats-Unis, Jackson, petite ville du Mississippi, assoupie dans sa bonne conscience bourgeoise et blanche, où il ne se passe rien et où rien ne doit changer, où les blancs ont des bonnes noires qui se chargent de tout à la maison, de l'argenterie à l'amour des enfants (sic), où chaque communauté vit côté à côte mais surtout séparément, où il y a des restaurants pour blancs et des restaurants pour noirs, une bibliothèque pour blancs et une pour noire (évidemment bien moins fournie) etc... A l'heure où Kennedy et Luther King entreprennent la lutte contre la ségrégation raciale, à Jackson, Mississippi, les dignes dames blanches jouent au bridge, servies par des bonnes en tablier blanc impeccable, se réunissent en ventes de charité (pour les enfants affamés d'Afrique, re-sic) et décident de faire installer des toilettes séparées pour les employées noires, qui, c'est bien connu, souffrent de maladies bien à elles et surtout contagieuses.

          Oui, mais voilà: à Jackson, il y a aussi Miss Skeeter, jeune fille blanche un peu différente, qui se met en tête de questionner l'ordre établi en collectant le témoignage de quelques bonnes pour les faire publier (espère-t-elle, écrivain en herbe qu'elle est) par une grande maison new-yorkaise. Or cela pourrait donner lieu à un déchaînement de stéréopypes sur les blancs et les noirs et ce n'est pas le cas: des deux côtés, on rencontre de vilains personnages (Hilly, la présidente de la Ligue de bienfaisance, est une bourgeoise blanche à qui on donnerait des claques avec plaisir mais aussi Leroy le mari noir qui bat sa femme) et des gens de bonne volonté (Célia, la blanche un peu paumée qui cherche l'amitié de sa bonne et les bonnes qui finissent par se laisser convaincre de faire avancer les choses).

          Peut-être parce qu'il y dans le récit une large part autobiographique comme on le comprend à la lecture de la postface intitulée "Trop peu trop tard". Au fur et à mesure qu'avance le récit, le lecteur découvre seulement peu à peu, à travers les yeux de la jeune narratrice blanche, ce qu'il y a "de pourri au royaume" de Jackson, ce qui pourrait changer, ce qui ne changera peut-être jamais et ce qu'il y a aussi de bien, parfois, au coeur de certaines familles. L'authenticité du récit est renforcée par la parole donnée à deux des bonnes, Aibileen la sage et Minny la bourrasque. Scènes comiques et scènes dramatiques alternent avec naturel, comme dans la "vraie vie", et nous mènent doucement au dénouement qui, bien sûr, n'est "ni noir ni blanc".

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28 octobre 2011 5 28 /10 /octobre /2011 17:47

Matisse          Au début du siècle dernier, les Stein, famille d'américains amateurs d'art, s'installent à Paris et se mettent à fréquenter et à collectionner les peintres de l'avant-garde parisienne, Matisse et Picasso surtout. C'est cette collection que l'on peut admirer actuellement au Grand Palais à Paris.

           Beaucoup de Matisse donc, et de Picasso. Matisse surtout me plaît. Matisse, devenu le chef de file du fauvisme à partir de 1905, date où certaines de ses toiles font scandale au Salon d'Automne. Des couleurs vives, pures et violentes,  en tâches, en zig-zag, en tortillons, en coulées, dans un agencement faussement naïf, dans une mise en forme d'école maternelle. Mais le grand art est là, au second regard.

           Le tableau Une japonaise au bord de l'eau, par exemple. A quelques centimètres de la toile, le regard est saturé de tâches et de traînées de couleur: mais où se cache donc cette japonaise? Il faut se reculer d'un ou deux mètres pour découvrir la geisha, appuyée sur un rocher au bord de l'eau. Les tortillons bleus sont, dans leur composition, la forme donnée au costume de la japonaise.

          Simplicité apparente mais extrême sophistication du travail, comme le souligne Régine Pernoud (in Histoire et lumière, Le Cerf, 1998):  "J'ai vu des cahiers entiers, des centaines de pages sur lesquelles il avait simplement dessiné une feuille de chêne. (...) Finalement, quelques traits signifient la feuille de manière évidente. Elle est reconnaissable par tous, mais elle est l'aboutissement d'heures et d'heures de travail."       

 

 

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16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 22:40

14Peniscola          Lire un premier roman, c'est un peu comme entrer dans une nouvelle maison: bonne ou mauvaise surprise? Avec le premier roman de l'italien Alessandro de Roma, Vie et mort de Ludovico Lauter, c'est une divine surprise qui attend le lecteur!

          En refermant le livre, je me pose en effet une question qui, à mon sens, est toujours un bon signe: "ai-je vraiment tout à fait tout compris après cette première lecture?". Plutôt bon signe surtout si la lecture a été agréable et passionnante! Car ce premier roman est vraiment original; voilà déjà quelque temps que je n'avais pas lu un récit aussi original.

          En quelques mots, voici la trame: Ettore Fosseli est un écrivain raté qui se réfugie en Sardaigne, dans une  maison près de la mer,  pour écrire la biographie d'un des derniers grands écrivains de son époque, Ludovico Lauter, né en Sardaigne d'une mère italienne et d'un soldat allemand d'occupation. Tout au long du récit, l'on découvre le génie précoce de Lauter, la puissance de ses romans et l'immense gloire qu'ils lui apportent mais aussi une sorte de monstrueux narcissisme qui se dégage de cet homme enfermé dans la profonde solitude du créateur de génie.

          Le roman pose de nombreuses questions liées à la création littéraire tout en mettant en place un récit alerte et haletant;  mais il réserve surtout une jolie surprise dans les ultimes feuillets, surprise que je me garderai bien de dévoiler mais qui laisse le lecteur pensif... D'où ma question posée plus haut: "ai-je vraiment etc..."

          Et cerise sur le gâteau, c'est aussi l'occasion de découvrir une île peu connue, la Sardaigne, et d'éprouver l'envie d'aller un jour déambuler sur ses plages, à la recherche des traces qu'aurait pu y laisser un certain....Ludovico Lauter.

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Quatrième De Couverture

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Parole d'auteur

"... je connaissais l'histoire de dizaines d'écrivains qui essayaient d'accomplir leur travail malgré les innombrables distractions du monde et les obstacles dressés par leurs propres vices."

 

Jim Harrisson in Une Odyssée américaine

 

"Assez curieusement, on ne peut pas lire un livre, on ne peut que le relire. Un bon lecteur, un lecteur actif et créateur est un relecteur."

 

    Vladimir Nabokov in Littératures

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